CD HRT 023. Notice en anglais. Distr. HRT.
Cet Amour et Rancune (1846), œuvre longuement élaborée par Vatroslav Lisinski (1819-1854), passe pour être le premier opéra (en) croate. La langue du livret ressemble aux langues slaves – une sorte de tchèque teinté de polonais ; mais ce qu’on peut malheureusement affirmer sans se tromper, c’est que ce livret manque de consistance dramatique, bien qu’inspiré d’événements réels. L’action, située au XVIe siècle, tourne autour de la fille du comte Velimir, la belle Ljubica, que courtisent deux hommes : le jeune Obren dont elle est également éprise, et le plus riche Vukosac auquel, évidemment, son père la promet. Mais Obren et Vukosac en viennent aux armes et Velimir les bannit tous deux. Par dépit, Vukosak tente de brûler sa promise avec toute sa famille, mais Obren intervient et… tout finit pour le mieux avec la mort du méchant. Notons que ce dernier est ici ténor tandis que le jeune premier est baryton – seule originalité d’un drame mal construit qui laisse tous les autres personnages (dont plusieurs secondaires) dans l’ombre. En conséquence, la musique, assez plate dans les airs, ne s’enflamme que lors des deux finales précédés de grands concertati – et, pour le second, d’une frappante bataille. Joliment orchestrée, la partition évoque parfois le Donizetti tardif (notamment à cause de l’accompagnement de trompette de la cavatine d’Obren, à l’acte II, qui rappelle Don Pasquale), ou le Verdi de jeunesse, mais sans le génie théâtral ni, surtout, la veine mélodique.
En revanche, ce coffret nous permet d’entendre une brochette de fort beaux timbres – pas toujours appuyés, cela dit, sur une technique impeccable, notamment en ce qui concerne la soprano Evelin Novak, incertaine aux deux extrêmes, et les second et troisième ténors. Même si sa voix bouge un peu, le vétéran Giorgio Surjan affiche plus que de beaux restes dans le noble arioso de Velimir et le ténor corsé de Domagoj Dorotic parvient à tirer le meilleur parti du rôle peu flatteur de Vukosac. Mais c’est le fringant baryton, à la ligne soignée et émouvante, de Leon Kosavic que l’on remarque en priorité, ne serait-ce que parce que lui sont dévolus les morceaux les plus séduisants. A la tête d’un orchestre aux ravissantes couleurs mais aux cordes manquant de virtuosité, Mladen Tarbuk nous a paru, tout autant que le compositeur, davantage investi dans le second acte. Prise de son superbe et belle édition – qui ignore, hélas, la langue française.
O.R.