CD Decca Eloquence 482 7449 (rééd.). Mono. Notice en anglais. Distr. Universal.
Dès l’après-guerre, sir Anthony Lewis annonça les futures réalisations « baroqueuses », tant dans le domaine de l’interprétation que de la recherche. Son Sosarme de Haendel enregistré en 1954 et son Didon et Enée de Purcell de 1961 tiennent encore décemment leur rang dans la discographie de la musique ancienne. Cette Reine des fées, gravée entre les deux précédents et récemment rééditée par la collection Eloquence, ne convainc pas autant. C’est que l’ouvrage est complexe, exigeant, fragile et réclame des choix artistiques qu’en l’état des études menées à son époque Lewis ne pouvait faire : ainsi, confier les parties de counter-tenor à des falsettistes semblait aller de soi mais achoppe sur la tessiture dévolue à cette voix dans la partition et sur la technique de chant dont pouvaient alors se prévaloir lesdits falsettistes. Outre que les deux que l’on entend ici (Whitworth, Boggis) s’avèrent piteux, on les remplacerait aujourd’hui par des high tenors ou hautes-contre. La distribution est d’ailleurs hétérogène : si Peter Pears émeut dans l’entrée de Phébus (et, plus encore, dans « Thus the gloomy world »), si les basses sont agréables (Trevor Anthony, notamment) et si Jennifer Vyvyan phrase idéalement « If Love’s a sweet passion », Elsie Morison, voix serrée et mal soutenue, massacre l’air de la Nuit. La direction noble et intense de Lewis nous vaut quelques passages d’une pure poésie (Danse pour les Suivants de la Nuit), mais ne sait pas encore suffisamment jouer des notes inégales dans les mouvements rapides, où les St. Anthony Singers pataugent et le Boyd Neel Orchestra, trop épais et métallique (surtout dans ce report), ennuie. Un document, donc.
O.R.