DVD Naxos 2.110575-76. Notice et argument en anglais. Distr. Outhere.
C’est la production de Benvenuto Cellini que Bastille a récemment présentée. Elle venait d’Amsterdam, où Terry Gilliam, un ancien des Monty Python, répondait à sa façon à l’exubérance berliozienne. L’histoire de la fonte du Persée devient un nocturne carnavalesque, jubilatoire et rutilant, volontiers licencieux, avec marionnettes géantes et pluie de confetti, vidéo omniprésente : une gigantesque machine qui jamais ne s’arrête. Au romantisme flamboyant de Berlioz répond le baroque farcesque de Gilliam, où une foule des années 1830 – l’époque de la création de Benvenuto – s’agite au milieu un décor à la Piranèse. Un clin d’œil parmi d’autres, comme ce Pape lubrique et foutraque aux airs de princesse Turandot… Au début, on se laisse emporter par le mouvement perpétuel de cette débauche visuelle, qui s’achève dans le rougeoiement du feu de la chaudière. Mais la machine tourne vite sur elle-même et l’agitation devient répétitive, même si les gros plans la rendent parfois plus intéressante que dans la salle. Rien d’étonnant, en tout cas, si la direction d’acteurs privilégie les figures grotesques de Balducci ou de Fieramosca et ne s’attache pas assez, par exemple, à la figure de l’artiste en proie aux affres de la création et qui y risque sa vie.
La direction de Mark Elder, en revanche, ne laisse rien au hasard, conjuguant l’urgence du théâtre et la maîtrise de la narration – le défi posé par Benvenuto. Aux couleurs criardes de la production répondent les teintes subtiles de l’orchestre, avec un carnaval romain remarquablement tenu, antithèse de ce qu’on voit sur la scène. De la scène à la fosse, les deux faces du génie de Berlioz ? L’orchestre et le chœur, en tout cas, sont magnifiques. Vocalement, c’est un peu inégal, une ligne de partage séparant ceux qui respectent la prosodie française et ceux qui la massacrent. On peine à écouter le Balducci de Maurizo Muraro, à bout de voix de surcroît, ou le Pape d’Orlin Anastassov, totalement incongru ici. De ce point de vue, Mariangela Sicilia pourrait mieux faire, mais sa Teresa passe bien, timbre fruité et ligne correcte, à condition de pardonner des duretés très fâcheuses dans les aigus du dernier tableau, où la tessiture se tend beaucoup plus. Si bien que la palme revient au fiancé ridicule, au page et à son maître. Bête de scène, modèle de vis comica et incomparable diseur, Laurent Naouri est inimitable, nullement gêné par la tessiture souvent inconfortable du sculpteur. Celle de Benvenuto frise l’impossible : John Osborn n’en fait qu’une bouchée, maître absolu de son émission et de sa ligne, amant fougueux ou tendre, créateur conquérant ou abattu – le seul aujourd’hui avec Michael Spyres à chanter ainsi ce répertoire. A ses côtés, l’Ascanio facétieux et remuant, parfait surtout, de Michèle Losier. A comparer avec la production salzbourgeoise de Philipp Stölzl dirigée par Valery Gergiev (DVD Naxos également, cf. L’ASO 255).
D.V.M.