Markus Werba (Figaro), Golda Schultz (Suzanne), Carlos Alvarez (le Comte), Diana Damrau (la Comtesse), Marianne Crebassa (Chérubin). Orch. de La Scala, dir. Franz Welser-Möst, mise en scène : Frederic Wake-Walker (Milan, 2016).
DVD et BR Cmajor 743108. Distr. DistrArt Musique.

Lourde responsabilité pour le metteur en scène Frederic Wake-Walker : après trente-cinq ans de présence au répertoire de la légendaire production Strehler/Frigerio (la même qu’à Paris), c’est à lui qu’incombait la tâche de proposer de nouvelles Noces de Figaro à La Scala. Quel que soit le talent du jeune Britannique, la mission était sans doute trop large pour ses épaules. Il ne manque ni d’idées ni de vitalité, mais il s’est contenté de recettes dont l’addition ne fait pas un tout pour une œuvre aussi parfaite. Le décor, d’abord : optant pour les changements à vue, il mise sur un théâtre dans le théâtre assez convenu, sans en tirer parti par une occupation de l’espace trop dispersée. Les costumes, ensuite : oscillant entre un XVIIIe siècle classique et un style criard et bigarré, ils n’affichent pas de logique saillante. La caractérisation des personnages : elle reste en surface, ne resserrant pas assez les fils de la dramaturgie, forçant le trait en direction du burlesque, sans éviter parfois la vulgarité. Enfin, le récit est parasité par des actions secondaires relevant du gadget. C’est plus agité que pétillant.

Peut-être la sauce aurait-elle mieux pris avec une direction musicale plus en phase avec la recherche d’énergie de la mise en scène. Seulement voilà : durant ses années à la tête du Staatsoper de Vienne, Franz Welser-Möst semble s’être convaincu qu’il était la réincarnation de Karl Böhm. S’agissant de Strauss ou de Wagner, on ne saurait l’en blâmer : voilà un excellent modèle. Dans Mozart, c’est plus difficile : non que l’on n’aime pas le Mozart de Karl Böhm, mais il se trouve que, depuis, l’interprétation mozartienne a sensiblement évolué, et il est vraiment difficile d’entendre aujourd’hui ces tempi lentissimes, ces textures lourdes et ces constructions carrées, dont l’absence de rebond et d’avancée finissent par recouvrir le tout d’une chape d’ennui. Alors que Böhm (le vrai) n’oubliait pas le théâtre !

Il suffira alors de mentionner que Markus Werba est un peu fatigué en Figaro, rôle dont il n’a pas vraiment le grave, que le Comte de Carlos Álvarez souffre d’être réduit au rang de vieux beau un peu ridicule, que la Comtesse de Diana Damrau a la voix légèrement instable quel que soit son art du legato, et que son incarnation est plus boulevardière qu’aristocratique. On se réjouissait surtout du Chérubin de Marianne Crebassa, l’une des révélations de ces dernières années, mais elle est aussi desservie par son costume et son grimage que par la lenteur du tempo, qui la neutralisent complètement. On retiendra donc surtout la voix sensuelle et richement timbrée de Golda Schultz en Suzanne. Trop peu pour des Noces tout à fait oubliables.

C.M.