CD Glossa 924003. Notice en français. Distr. Harmonia Mundi.
Créé en 1749 pour fêter le traité d’Aix-la-Chapelle qui mettait fin à la Guerre de Succession d’Autriche, cet « opéra pour la paix » n’est ni une tragédie lyrique ni une comédie-ballet, mais une « pastorale héroïque », genre un peu bâtard mettant en scène les nobles protagonistes de la tragédie dans un cadre bucolique – et avec fin heureuse. Le livret de Cahusac, attentif, comme souvent, à intégrer divertissements et scènes spectaculaires, ne brille pas par sa tension dramatique et anticipe nettement sur celui des Boréades : dans Naïs aussi, on nous conte l’histoire d’une princesse qui, aux deux aristocrates qui la courtisent, préfère un inconnu, lequel s’avérera n’être autre que Neptune… Avec un enthousiasme évident, Rameau s’est emparé des passages les plus picturaux, comme le fracassant prologue montrant la rébellion des Titans contre les dieux, la « prophétie des oiseaux » (non dépourvue d’humour) de l’acte II ou la Tempête du III. Mais il a su aussi parer de ses plus galantes mélodies les amours de Naïs et Neptune – quitte à les réutiliser plus tard dans Les Paladins…
La création alignait les noms de Fel (Naïs), Jélyotte (Neptune), Chassé (Télénus) et Poirier (Astérion), ainsi qu’un orchestre de 50 musiciens : on comprend que les interprètes d’aujourd’hui hésitent à se mesurer à de telles références ! L’Orfeo Orchestra, coaché par le violoniste Simon Standage, ne démérite pourtant pas, nous enivrant de sonorités tantôt guerrières (l’ouverture, fouettée par une percussion mordante), tantôt pastorales et langoureuses (écoutez les vents du ballet des Divinités de la mer et les bassons dans « Du plus sombre avenir »). Le Purcell Choir, aux voyelles parfois trop ouvertes (prologue), apparaît moins constant mais a aussi de fort beaux moments (« Coulez, ondes », à l’acte III). La distribution se distingue par son ardeur et sa jeunesse même si le toujours exquis et éclatant Reinoud Van Mechelen ne signe pas ici son meilleur disque, semblant bizarrement emprunté au début de l’acte I et dans son ariette finale. Chantal Santon-Jeffery confère une vraie personnalité au rôle-titre, bien que son émission désordonnée nous hérisse parfois. Thomas Dolié est un Pluton d’airain mais un Télénus plus tendu et Florian Sempey un Jupiter cuivré mais un Tirésie plus commun. Mention spéciale à Manuel Nunez-Camelino dans le rôle de haute-contre stratosphérique d’Astérion ! Très tenue, parfois même trop carrée (Chaconne des Lutteurs, au tactus immuable), la direction de Vashegyi doit encore gagner en liberté mais nous vaut, dans l’ensemble, une bien belle intégrale, plus complète et plus homogène que celle de McGegan (Erato, 1980).
O.R.