DVD Cmajor 744808. Notice et synopsis trilingue dont franç. Distr. DistrArt Musique.
Mosè in Egitto est une rareté. Composé par Rossini en 1818, l’ouvrage devait être représenté à Naples durant le Carême ; le compositeur conçut donc un quasi-oratorio, de sujet biblique et riche de scènes chorales. Que ce soit dans sa forme originelle ou dans sa version « grand opéra français » (Moïse et Pharaon, 1827), sa mise en scène est une gageure.
Que ceux qui, en voyant cette captation venir de Bregenz, espéraient un passage de la Mer rouge en plein Lac de Constance… soient dessillés : la production fut donnée dans le Festspielhaus de la ville (et reprise à l’Opéra de Cologne en avril dernier). La vidéo peine sans doute à donner la mesure de la scénographie élaborée par Lotte De Beer et le collectif néerlandais Hotel Modern : le jeu entre chanteurs vêtus « à l’antique » (mais pas tous…) et comédiens circulant parmi eux comme autant d’observateurs scientifiques actuels, carnet de notes à la main, paraît à l’écran un peu artificiel, de même que l’utilisation de caméras miniatures naviguant dans les recoins de maquettes représentant les lieux de l’action ou la manipulation de petites marionnettes figurant les personnages, filmées de près et diffusées sur grand écran en fond de décor. Quelque part entre Pierrick Sorin et Simon McBurney, le dispositif est ludique, pertinent même dans son écriture, mais on ne peut que faire confiance aux comptes rendus de 2017 (très positifs) pour le créditer d’une émotion ou d’un spectaculaire qui, au visionnage, ne passent pas : le fameux passage de la Mer rouge reste ici incompréhensible – sauf pour son épilogue au second degré (amusant, mais qui rend néanmoins bien dérisoire ce qui précède). Les décors épurés et symboliques de Christof Hetzer, comme les lumières d’Alex Brok qui savent jouer avec les ténèbres convoquées par le livret, sont quant à eux plus appréciables que la direction d’acteurs, assez sommaire.
Musicalement, la réalisation est inégale. Rossini est superbement servi par l’orchestre et les chœurs, mais la direction d’Enrique Mazzola déçoit lorsqu’elle s’enlise sous les soli, lesquels sont distribués sans étoile absolue. La prière du IIIe acte (ajoutée par Rossini en 1819) est ainsi alternativement superbe (un grand ensemble qui se hausse au sublime) et frustrante (des individualités fatiguées – on sent Moïse en fin de soirée ! – ou trop perçantes). On aime le timbre pulpeux, la projection nette et souple de Mandy Fredrich (Amaltea), de même que la belle matière, un rien voilée mais d’une ample dignité, de Clarissa Costanzo (Elcia). Il manque une vraie profondeur au Pharaon honnête d’Andrew Foster-Williams, qui peine ostensiblement en seconde partie de représentation. Il fait face à un Moïse charbonneux, instable de ligne (Goran Juric) et assez rustre d’intentions et de chant grossi. L’oreille ne trouvera aucun plaisir aux ténors, qu’ils affichent un vibrato trémulant (Sunnyboy Dladla, malgré son délié soigneux de rossinien sincère), un timbre trop nasal (Taylan Reinard, en dépit d’un vrai tempérament scénique de ténor de caractère) ou carrément aigre (Matteo Macchioni, quoique soucieux de style lui aussi, reste très ingrat à l’écoute).
Cette version vient nourrir la vidéographie encore étique de l’ouvrage : après Bologne 2011 (Opus Arte), où Graham Vick se fourvoyait dans une lecture post-11-septembre, et Milan 2015 (Cmajor déjà) où une version abrégée était mise en espace dans le Duomo, cette proposition prend son rang de version honorable, mais néanmoins d’attente.
C.C.