DVD et BR Dynamic 57812. Notice et synopsis ital./angl. Distr. Outhere.
Un tsar de Russie qui apprend incognito la construction navale comme simple charpentier engagé dans les chantiers flamands, cela vous dit quelque chose ? C’est normal : tout comme le plus connu Tzar und Zimmermann de Lortzing (1837), ce Borgomastro di Saardam donizettien s’inspire de l’histoire vraie de Pierre le Grand (1672-1725) via une source commune, la pièce française Le Bourgmestre de Saardam ou Les Deux Pierre (Mélesville, Merle et Cantiran de Boirie, 1818).
Sur un livret de Domenico Gilardoni, Donizetti présenta d’abord son opéra buffa à Naples en 1827, avec succès ; la version milanaise, expurgée notamment du dialecte napolitain pour les récitatifs, fit en revanche un fiasco monumental l’année suivante : elle disparut de l’affiche après sa première représentation. Il faut dire que la partition n’est pas un chef-d’œuvre et sent son Rossini buffa à plein nez, d’une façon déjà anachronique pour son temps. Quasiment contemporains, Le convenienze ed inconvenienze teatrali sont autrement inspirés et originaux ! Le Borgomastro refit surface, pour l’anecdote, en 1973 à Zaandam (le Saardam du titre, aux Pays-Bas), avant que le Festival Donizetti Opera n’en propose une recréation en 2017, sise dans le Teatro Sociale (situé dans la ville haute).
Avouons que c’est surtout pour son rôle de document unique (il n’existait jusqu’ici qu’une intégrale audio de l’opéra : 1973, Schaap) que vaut cette captation vidéo, par ailleurs simultanément éditée en CD. Car si certains interprètes sont de bonne pointure, l’ensemble pâtit d’une réalisation orchestrale et scénique peu stimulante. Le ténor clair et souple de Juan Francisco Gatell est certes bien chantant, tout comme le baryton solide et mordant de Giorgio Caoduro : les « deux Pietro » dominent ainsi de haut la distribution, suivis d’une Irina Dubrovskaya (Marietta) aux contre-notes affûtées mais au tempérament très scolaire, puis d’un Andrea Concetti un peu dépassé par le sillabando de Wambett (le Bourgmestre). Le niveau continue de descendre avec les comprimari, jusqu’à un Officier à la limite du présentable. Quoique d’un engagement généreux, les chœurs et l’orchestre exposent des faiblesses face à l’écriture rossinienne qu’adopte ici Donizetti : mise en place, précision et vivacité rythmique n’ont pas la perfection horlogère qu’on en attendrait.
Quant à la mise en scène, elle est étrangement clivée dans sa démarche. Lecture historique ? Rien, à part des costumes étrangement XIXe, pour nourrir cette piste. Concept métaphorique ? Les vidéos de Matteo Ricchetti, films muets renvoyant tantôt à Eisenstein, tantôt à l’architecture classique (pour le grand air du Tsar « éclairé »), le suggéreraient… mais ils sont plaqués sans aucun soin en fond de scène – lumières inchangées, rapport inexistant au plateau et à la musique. Surtout, en fait, un académisme sans vision globale, sensible plus encore dans la direction d’acteurs – ou le réglage d’entrées et sorties qui en tient lieu : fait-on encore tenir un panier à la soprano pour occuper ses bras pendant son air ?
Pour curieux et collectionneurs exclusivement.
C.C.