Johan Botha (Parsifal), Michaela Schuster (Kundry), Wolfgang Koch (Amfortas, Klingsor), Stephen Milling (Gurnemanz), Milcho Borovinov (Titurel), Chœurs d'enfants du Festival de Salzbourg, Chœurs de l'Opéra d'état de Bavière et de l'Opéra d'état de Dresde, Staatskapelle de Dresde, dir. Christian Thielemann, mise en scène : Michael Schulz (Salzbourg, 23.III-1er.IV.2013).
DVD DG 004400734939. Distr. Universal.

Premier festival de Pâques à Salzbourg sans les Berliner Philharmoniker ! Christian Thielemann reprenait un projet initié par Simon Rattle pour son orchestre, et héritait d'une mise en scène qui fit couler beaucoup d'encre au motif premier que Michael Schulz y incarnait en scène le Christ en deux états différents, avant et après la Résurrection. Si l'on ajoute chez Klingsor le jardin de statues entre antiques et figures sacrées (Bouddha, Vierge Marie, divinités grecques) qui flirte avec l'idée séduisante d'un syncrétisme religieux du magicien, on aura compris que ce recentrage du mythe du Graal en tragédie mystique en aura agacé plus d'un. On reprocha également une direction d'acteur absente mais filmée avec maestria par un Brian Large bien plus concerné qu'à l'habitude - force est de constater qu'il n'en est rien.

Au contraire, la direction d'acteur est partout, même si Johan Botha, embarrassé par son grand corps, en est comme épargné par le metteur en scène. Mais tous les autres incarnent de vrais personnages, et qui vous prennent. La palme à Michaela Schuster, étreignante Kundry toujours plus séductrice - fascinante douceur de son « Ich sah das Kind » - qu'animal blessé, dont on admire et le jeu et le chant. Mais Wolfgang Koch réussit un autre tour de force en campant un Amfortas de haute tenue, noble, ardent dans la douleur, très (trop ?) clair de timbre, et un Klingsor mordant, ironique, qui ne charge jamais ses effets. Stephen Milling déploie des graves abyssaux pour un Gurnemanz un rien univoque, mais quelle ligne sinon quels mots ! Suprêmement bien chantant, Johan Botha reste en retrait : il n'est jamais le jeune fol qu'il faudrait - on aura bien un jour Jonas Kaufmann capté à New-York dans la si poétique lecture de François Girard - et l'expérience mystique semble lui glisser dessus. Avec la sonorité si sombre et pourtant si lumineuse - l'oxymore est connu - de la Staatskapelle de Dresde, Christian Thielemann, bien plus inspiré ici que dans son Ring viennois, tend l'arc des trois actes sans jamais oublier la préséance dramatique. Commencez par le II - où Klingsor est confronté à un étonnant acteur nain, Rüdiger Frank, son double maléfique - pour entrer dans un spectacle nettement supérieur à sa légende.

J.-C.H.