CD CPO 555 070-2. Livret en allemand et en anglais. Distr. DistrArt Musique.
De Richard Heuberger (1850-1914) la postérité n’a guère retenu que ce Bal de l’Opéra, opérette inspirée de la comédie Les Dominos roses (1876) de Delacour et Hennequin et créée au Theater an der Wien en 1898. À ce moment, Heuberger comptait parmi les critiques influents de son époque, puisqu’il avait succédé à Eduard Hanslick à la Neue Freie Presse et consacrait une partie importante de ses activités à l’enseignement. Parmi ses élèves, on note le chef Clemens Krauss, qui allait faire entrer Der Opernball au Staatsoper de Vienne en 1931 (avec Leo Slezak et Lotte Lehmann), trente ans après que le compositeur eut essuyé un refus de la part de Mahler, alors directeur artistique de la prestigieuse institution. À l’écoute de cet enregistrement, on comprend un tel jugement : l’ouvrage est certes agréable, mais il est clair que sa relative pauvreté mélodique ne saurait sérieusement rivaliser avec les airs envoûtants de Johann Strauss, von Suppé ou Lehár. La partition recèle toutefois une page exquise, le fameux duo « Hier ist die Uhr », dans lequel Henri et Hortense susurrent « Geh’n wir in’s Chambre séparée », moment d’une délicieuse sensualité – souvent modifié en solo, notamment par Richard Tauber ou Elisabeth Schwarzkopf – et dont Anna Netrebko et Piotr Beczala ont offert une superbe interprétation en 2008 dans l’album Souvenirs.
Donnée à Graz, ville natale de Heuberger, la présente version modifie l’ordre de quelques numéros musicaux, supprime certains airs ajoutés après la création de 1898 et se limite à de fort brefs dialogues, pour une durée totale d’à peine une heure vingt-cinq minutes. Marius Burkert insuffle beaucoup d’entrain à l’Orchestre philharmonique de Graz, tandis que le chœur de l’Opéra s’acquitte fort bien de ses modestes interventions. La distribution rassemble une équipe d’un assez bon niveau général, qui se distingue davantage par son esprit d’équipe que par des voix remarquables. Ainsi en est-il du duo évoqué plus haut, où le chant de Sieglinde Feldhofer et Alexander Kaimbacher s’avère très appliqué mais dépourvu de ce que l’on attend véritablement ici : un abandon et surtout une langueur pleine de sous-entendus. Cela dit, cet enregistrement ne démérite pas et constitue un apport intéressant à notre connaissance de l’opérette viennoise.
L.B.