CD DUX 1412a. Pas de livret. Distr. DistrArt Musique.
Disons-le sans ambages : cette nouvelle Djamileh ne saurait sérieusement concurrencer les versions de Lamberto Gardelli (Orfeo, 1983) et surtout de Jacques Mercier (RCA, 1998). La raison en incombe aux trois solistes, bien peu à leur affaire dans cet ouvrage au délicieux charme orientalisant et d’une grande finesse psychologique, où l’on voit une jeune esclave amoureuse dessiller les yeux d’un maître lascif se croyant incapable de sentiments durables. Affligés d’un fort accent anglais et incapables de faire sentir le poids exact des mots de Louis Gallet, les chanteurs ont en outre bien du mal à se plier à l’art tout en demi-teintes de Bizet. En plus d’un large vibrato, la mezzo Jennifer Feinstein possède un timbre beaucoup trop mûr pour le rôle-titre, qui fait presque penser ici à une dévoreuse d’hommes... Le personnage de Haroun trouve en Eric Barry un ténor dépourvu de grâce et dont la voix ne parvient jamais à s’épanouir librement, tandis que George Mosley est un Splendiano au style peu châtié et aux aigus difficultueux. Le disque mérite néanmoins l’écoute pour la direction sensible de Łukasz Borowicz, qui sait trouver les couleurs orchestrales convenant à l’atmosphère tantôt rêveuse, tantôt enfiévrée de la partition, en particulier dans une Danse de l’almée à l’ardeur dionysiaque. Desservi par une prise de son très réverbérée, le chœur fait cependant preuve d’une belle homogénéité et d’une diction tout à fait acceptable. Fait amusant à noter en terminant : dans cette histoire digne de figurer dans les Contes des mille et une nuits, le rôle parlé du Marchand d’esclaves est tenu par Piotr Kamiński, auteur de l’indispensable Mille et un opéras.
L.B.