Rien ne vieillit plus vite qu’une mise en scène, surtout si elle prend pour référence des événements contemporains qui la datent. Créé en 2012 dans la foulée des grands scandales bancaires américains, le Macbeth d’Ivo Van Hove transpose l’opéra de Verdi dans le monde des affaires new-yorkais, faisant du soulèvement final du peuple écossais un équivalent du fameux mouvement « « Occupy Wall Street » et du rôle-titre un financier sans scrupule. Son décor unique, une salle de change high-tech où circule une technicienne de surface ignorée des protagonistes et que des projections vidéo animent, nous montrant en négatif ce qui se trame en arrière-plan de la façade, a pris avec les années un petit air de déjà-vu tant le climat déshumanisé de cet univers gris et rectiligne semble avoir traîné un peu partout. De même ces sorcières en tailleur-pantalon et talons hauts qui trament leur sortilèges devant des écrans d’ordinateur ou cette petite fille, rejeton du couple maudit, que sa mère rejette et maltraite. Surtout, dans cette transposition, l’élément fantastique a purement et simplement été éliminé et l’horreur est devenue d’une totale banalité. Le metteur en scène fait l’économie du spectre de Banquo et la scène des apparitions est traitée à travers les images vidéo de créatures à peine esquissées par un bouillonnement visuel de chiffres – mais Van Hove n’hésite pas à faire étrangler Lady Macbeth par son époux après sa scène de somnambulisme.
Le plateau est dominé par la Lady de Susanna Branchini, voix puissante et centrale que les écarts de registre mettent souvent à mal mais qui, au delà de ses défauts (grave de ventriloque, aigus souvent criés), donne une authentique présence à son personnage. Auprès d’elle le baryton Echim Azizov, certes bien chantant mais très anonyme, compose un Macbeth assez pâle. Roberto Scandiuzzi laisse entendre beaucoup d’instabilité et de gros problèmes d’intonation dans le rôle de Banquo. Leonardo Capalbo, remplaçant Arseny Yakovlev, saisit l’occasion pour faire valoir dans son air du quatrième acte une belle voix de ténor lyrique au grain très affirmé, dont l’impact émotionnel est renforcé par son image captée en direct et projetée en gros plan. Auprès du sien, le timbre maigrelet de Louis Zaitoun (Malcolm) ne fait décidément pas le poids dans leur duo avec chœur. Porté par la direction subtile et dynamique de Daniele Rustioni et avec des chœurs remarquablement préparés, le spectacle, pris dans sa globalité, laisse un peu le spectateur sur sa faim, sans doute à cause d’une mise en scène finalement assez générique et dont les audaces sont désormais sans surprise et le concept éventé.
A.C.
A lire : Macbeth / L’Avant-Scène Opéra n° 249
Photos : Stofleth.