Owen Willetts (Orlando), Karina Gauvin (Angelica), Amanda Forsythe (Dorinda), Allyson McHardy (Medoro), Nathan Berg (Zoroastro), Pacific baroque Orchestra, dir. Alexander Weimann (2013).
CD Atma 2678. Distr. Rue Stendhal.

La firme Atma diffuse fidèlement les productions baroques, mal connues chez nous, de nos cousins canadiens. La plupart d'entre elles se signalent par leur fraîcheur et, disons... une certaine ingénuité stylistique - le présent enregistrement ne faisant pas exception. Et quel dommage, se dit-on, à l'écoute de ce mélange d'insignes faiblesses et d'incontestables atouts qu'Alexander Weimann ait fait choix d'un opéra aussi ardu à servir que le vingt-huitième du Saxon ! Car eut-il opté, avec exactement la même distribution, pour Tolomeo (1728), œuvre moins exigeante, plus uniment pastorale et beaucoup moins spectaculaire, peut-être eussions-nous salué une révélation ! Mais Orlando (1733)... ses fracassantes invocations magiques (écrites pour l'incroyable basse Montagnana)... la tétanisante scène de folie de Roland (dernier rôle haendélien de Senesino)... ses duos théâtraux... son séraphique trio (affreusement écourté, ici)... ses mystiques récits accompagnés... Rien de tout cela n'entre dans les cordes de ce chef appliqué (déjà bien ennuyeux dans La Conversion de Clovis, de Caldara), sensible aux humeurs champêtres mais à rien d'autre, ni de son fragile orchestre qu'on jurerait de chambre (ils sont tout de même vingt-cinq), aux phrasés lisses et menus. Ni de son joli falsettiste (Owen Willets) à la couleur uniforme, qu'on entendrait plus volontiers à l'église et qui se voit forcé de transposer vers le haut plusieurs notes d' « Ah, stigie larve ! ». En sorcier et en guerrier sarrasin, la basse Nathan Berg et la mezzo Allyson McHardy font illusion le temps des récits mais beaucoup moins dans les airs, surtout au dernier acte. Heureusement, il y a les « dames ». Karina Gauvin, bien sûr, la star d'Atma que tant d'autres labels s'arrachent désormais : la voix s'est un peu alourdie et a perdu en stabilité, semble-t-il, mais le phrasé est toujours souverain, le timbre soyeux, la diction naturelle, le personnage (pas super sympathique) incarné. Et puis, en seconde soprano, une découverte : l'Américaine Amanda Forsythe. Certes, le style demande à être poli et l'italien mieux maîtrisé ; certes, ce chant gourmé, un peu pincé, ne convient guère à la bergère Dorinda. Mais quelle clarté dans l'émission, quelle santé et quelles teintes radieuses ! Rien que pour son émouvante sicilienne (« Se mi rivolgo al prato »), il faut entendre cet Orlando inabouti.

O.R.