Richard Rittelmann (Un chef grec), Marie-Nicole Lemieux (Cassandre), Stéphane Degout (Chorèbe), Michael Spyres (Enée), Marianne Crebassa (Ascagne), Philippe Sly (Panthée), Stanislas de Barbeyrac (Hylas/Hélénus), Bertrand Grunenwald (Priam), Agnieszka Slawinska (Hécube), Jean Teitgen (l’Ombre d’Hector/Mercure), Joyce DiDonato (Didon), Hanna Hipp (Anna), Cyrille Dubois (Iopas), Nicolas Courjal (Narbal), Jérôme Varnier (Première Sentinelle), Frédéric Caton (Seconde Sentinelle). Chœurs de l’Opéra national du Rhin, Orchestre de l’Opéra d’Etat de Bade, Chœur philharmonique de Strasbourg, Orchestre philharmonique de Strasbourg, dir. John Nelson (live 11-18 avril 2017).

CD + DVD Erato 0190295762209 (4 CD + 1 DVD). Distr. Warner.

 

Un disque après un concert, c’est toujours dangereux : il arrive souvent qu’on ne retrouve pas l’impression éprouvée dans la salle. Rien de tel avec ces Troyens strasbourgeois, peut-être la plus grande émotion lyrique de la saison dernière. Faut-il redire ce que nous écrivions ici ? Le souffle de la direction de John Nelson, sa magnifique clarté, tout transparaît de nouveau à l’écoute des quatre CD – complétés par un DVD de quelques extraits qui font (re)vivre le concert. Mais on admire surtout le travail sur les timbres, restituant l’orchestre de Berlioz comme peu savent le faire. Il est vrai que la partition habite Nelson depuis un mémorable concert à Carnegie Hall en 1972 et qu’il rêvait de graver enfin des Troyens complets. On ne reniera pas Beecham, Davis ou le Prêtre de la RAI, ni certains de leurs légendaires chanteurs, mais aucun ne proposait un ensemble aussi homogène. Pas de hiatus, en effet, entre les représentants de l’école française – ou francophone – et les autres. Même s’ils ne peuvent être qualifiés d’héritiers du grand style tragique de filiation gluckiste, même si la noblesse naturelle de la déclamation leur fait un peu défaut, Joyce DiDonato et Michael Spyres ont parfaitement assimilé les canons de notre répertoire pour se hisser au sommet, Didon et Enée parfaitement articulés, d’une jeunesse, d’un éclat, d’une tenue exemplaires, lui nous rappelant que le Troyen n’est pas destiné à un fort ténor époumonant ses aigus – gardons-nous également d’oublier la Polonaise Hanna Hipp, très belle Anna qui ne pâtit pas du voisinage de sa royale sœur. Marie-Nicole Lemieux assume la tessiture de falcon de la prophétesse de malheur jusque dans les tensions du deuxième acte, avec une ligne qu’on n’a pas toujours entendue aussi conduite, fiancée au superbe Chorèbe de Stéphane Degout, à la fois héroïque et tendre. Nicolas Courjal a les graves profonds de Narbal, Cyrille Dubois les aigus ductiles de Iopas. Marianne Crebassa en Ascagne, Stanislas de Barbeyrac en Hylas, c’est du luxe, comme Jean Teitgen pour les quelques mesures de l’Ombre d’Hector ou de Mercure. L’orchestre nous paraît plus superlatif qu’au concert ; seul le chœur, réunion de trois ensembles, se situe toujours un cran – guère plus – au-dessous de l’ensemble. La cause est entendue : référence et révérence !

D.V.M.