Agnete Rasmussen (Rosaura), Viktorija Kaminskaite (Colombina), Violetta Radomirska (Eleonora), Kathrin Göring (Beatrice), Andreas Weller (Florindo), Peter Schöne (Lelio), membres du Madrigalchores de Münich, Münchner Rundfunkorchester, dir. Ulf Schirmer (2011).

CD CPO 777 739-2. Notice et livret allemand/anglais. Distr. DistrArt Musique.

 

Né en 1876 dans la Cité des doges (où il mourra en 1948), fils d'une Vénitienne et d'un peintre allemand dont il joignit les noms, Ermanno Wolf-Ferrari fit l'essentiel de sa carrière en Allemagne, comme son double compatriote Ferruccio Busoni, mais dans une tout autre direction, celle du théâtre lyrique, avec une douzaine d'ouvrages en doubles versions allemande et italienne à son actif.

Après une Cendrillon discrètement saluée, Die neugierigen Frauen (Les Femmes curieuses), créées en 1903 au petit Théâtre Cuvillier de Munich, attirèrent définitivement l'attention sur son sens du théâtre. Le sujet était emprunté à Goldoni dont il adaptera d'autres comédies, notamment Les Quatre Rustres (1906) auxquels son nom reste attaché. Tandis que Tiefland d'Eugen d'Albert et, bientôt, la Salomé de Strauss offraient au public germanique les deux facettes de l'héritage wagnérien, naturaliste et expressionniste, Wolf-Ferrari, loin de rivaliser avec Falstaff de Verdi, inscrivit modestement ses donne curiose dans le sillon d'Auber et de Lortzing dont l'esthétique spirituelle et avenante était toujours fort appréciée outre-Rhin. Il dépassa encore ses modèles dans la maîtrise de la conversation en musique dont la fluidité est propice au mouvement scénique. La vivacité est la règle jusqu'à ces cascades de syllabes en clin d'œil à l'opera buffa et d'autant plus naturelles que la partition originale (destinée à Venise et créée à New York en 1912) est écrite en italien. Les arias très courtes (comme chez Monteverdi ou Lully) et de rares ensembles se glissent au fil de dialogues riches d'inflexions expressives ; les échanges entre les protagonistes sont soutenus ou relancés par des touches instrumentales suggestives qui font écho aux paroles ou les soulignent sans jamais appuyer.

La trame est mince : de jeunes Vénitiens se retrouvent dans un club dont l'entrée est interdite aux dames. Curieuses d'abord, suspicieuses ensuite, épouses et fiancées parviennent, au terme de discussions oiseuses, à se procurer les clefs par divers stratagèmes... Croyant faire irruption au moment fatal, elles auront la surprise de trouver ces messieurs devisant autour d'une table bien garnie. Il n'y a pas là de quoi fouetter un chat et, passée la très curieuse ouverture (où une imitation du coucou lance le public sur une fausse piste), l'auditeur qui n'a pas une connaissance assez intime de la langue risque de rester sur le bord du chemin, une grande part de l'intérêt résidant dans l'étroit rapport entre les propos et la musique. D'autant que le livret bilingue de l'édition CPO ne comporte pas un mot de français.

Enregistré en concert en octobre 2011 et, pour la première fois, dans la version allemande de la création, l'ouvrage est servi par une distribution sans éclat mais sans faille sous la direction impeccable d'Ulf Schirmer qui, une fois de plus, met tout son talent au service d'ouvrages oubliés.

G.C.