Anke Krabbe (Gertrud et la Jeunesse), Andrea Bönig (Tony), Michael Roider (Josef Drechsler), Henning Freiberg (narrateur), Orchestre et Chœur de la WDR de Cologne, dir. Axel Kober (2012).
CD CPO 777 796-2. Pas de livret. Complément : valse Leben und lieben, Orchestre de la WDR de Cologne, dir. Franz Marszalek (1961). Distr. DistrArt Musique.
C'est pour le cabaret Die Höle (L'Enfer) du Theater an der Wien que Leo Fall composa en 1909 ce charmant Brüderlein Fein, qui joue à fond la carte de la nostalgie. Désignée comme un Altwiener Singspiel, l'œuvre fleure bon la Vienne d'autrefois - plus précisément l'époque Biedermeier -, en s'inspirant de la vie du compositeur Josef Drechsler (1782-1852) qui s'illustra en tant que chef d'orchestre, professeur (notamment de Johann Strauss fils) et enfin maître de chapelle à la cathédrale Saint-Étienne. Le titre provient d'une célèbre chanson que Ferdinand Raimund a composée pour sa pièce Das Mädchen aus der Feenwelt oder Der Bauer als Millionär (1826) et que Drechsler a orchestrée.
Très bref, l'ouvrage comprend sept morceaux destinés à trois chanteurs et un orchestre qui se limitait initialement à un piano, deux violons, un violoncelle et une clarinette. Cet enregistrement fait toutefois entendre l'orchestration que Fall réalisa pour la reprise de mars 1910 au Carltheater et qui permet d'apprécier son sens des coloris instrumentaux. D'une grande simplicité, l'argument évoque le quarantième anniversaire de mariage des époux Drechsler, qui se rappellent l'heureux temps où ils se retrouvaient à l'ombre des tilleuls en fleurs. Tout en raffinement, la partition renferme un petit bijou, l'air de la figure allégorique de la Jeunesse (« Spiele auf der gold'nen Fiedel ») pendant lequel le temps semble suspendu. La soprano Anke Krabbe - et non l'alto Andrea Bönig comme l'indiquent par inadvertance la pochette et le livret d'accompagnement -, s'y montre admirable de délicatesse et de beauté vocale. On ne saurait malheureusement en dire autant du couple vieillissant, Michael Roider et Andrea Bönig, dont les voix usées ne rendent guère justice à la suavité des lignes mélodiques. À la tête de l'Orchestre de la WDR de Cologne, Axel Kober sait créer l'atmosphère mélancolique qui convient parfaitement à ce que l'on aurait tort de considérer comme une simple bluette. Pour ajouter à notre plaisir, le disque permet d'entendre en complément la seule valse de concert de Fall, Leben und lieben, créée à la Sophiensaale de Vienne en 1910, et dirigée ici avec beaucoup de fougue par Franz Marszalek.
L.B.