Simone Kermes (Dido), Dimitris Tiliakos (Aeneas), Deborah York (Belinda), Oleg Ryabets (la Magicienne), Margaret Mezentseva, Sofia Fomina (les Dames), Yana Mamonova, Valeria Safonova (les Sorcières), Valeria Safonova (l'Esprit), Alexandre Zverev (le Marin), MusicAeterna, The New Siberian Singers, dir. Teodor Currentzis (2007).
CD Alpha Classics 376. Notice en français. Distr. Outhere.
Enregistrée en 2007, cette intégrale nous parvient dix ans plus tard. Est-ce à dire que l'éditeur doutait de sa pertinence ? Il y a de quoi, tant la délicate partition se voit ici bousculée par Currentzis, dont elle surexpose les défauts, à commencer par un ego démesuré. Dès l'Ouverture, qui enchaîne d'impérieux coups de cravache à d'insistants glissandi, nous comprenons que c'est bien davantage la Didon de Currentzis qu'il nous sera donné d'entendre que celle de Purcell. Effets de soufflet constants, hoquets, trémolos, staccatos, ornementation proliférante, mesures ajoutées (acte III), lignes bousculées, morcelées, ralenties puis accélérées, rythmes surpointés, percussions tautologiques (tout au long de la scène de la caverne), sans parler de moult coups de tonnerre et sons de cloches, grondements du chœur (remarquable mais fort gros : trente voix), jeu des violons sul ponticello - aucun gadget hollywoodien ne nous est épargné, ce qui n'empêche pas les récitatifs, ni certains grounds (« Ah ! Belinda ») de se traîner. Les interprètes jouent ce jeu trivial avec plus ou moins de bonheur : Kermes, filet de voix blanche et affectée, multiplie les pâmoisons préraphaélites, Tiliakos peine et bougonne, York gazouille plutôt joliment, tandis que le faible contre-ténor convoqué en Magicienne passe sans laisser de souvenir et que l'Esprit s'étrangle. Quelques réussites (comme les danses orgiaques des courtisans et des marins, et même le lamento final, suspendu en apesanteur), un orchestre vaillant (violoncelles, violes et guitare superbes) n'effacent pas l'impression de détournement. Pénible.
O.R.