CD CPO 777 694-2. Distr. DistrArt Musique.
Qu'allait donc donner une troupe allemande, en l'occurrence celle de l'Opéra de Dessau, dans la très française Muette de Portici, ce grand opéra avant l'heure ? Une version hautement recommandable, à classer parmi les meilleures, alors que la discographie n'offre aucune référence véritable. Si le français sonne parfois un peu exotique, la prosodie ne se trouve jamais chahutée et certains, comme Angelina Ruzzafante, n'ont guère à envier à leurs collègues de l'Hexagone. Et le respect du style n'est pas le moindre mérite de cette production. Faut-il rappeler que l'Opéra-Comique, naguère, n'avait pas trouvé de chanteurs français pour les protagonistes de l'opéra d'Auber ? Regrettons seulement les coupures et la suppression des numéros dansés, pourtant consubstantiels au genre. Pour le reste, ne boudons pas notre plaisir, orchestré avec une svelte alacrité par Antony Hermus, qui sait donner de l'urgence aux passages dansés par l'héroïne sans voix. Diego Torre semble avoir écouté Alfredo Kraus : il concilie la douceur et la vaillance, avec une émission souple jusque dans l'aigu, des registres soudés et une belle maîtrise des nuances, de quoi faire un très beau « Du pauvre seul ami fidèle ». Au même niveau se situe l'Elvire d'Angelina Ruzzafante, voix légère au timbre fruité, chez qui l'on observe les mêmes qualités, sans compter l'agilité des passages vocalisés. Oscar de la Torre, Alphonse stylé, ne pâtit que d'une émission un peu serrée. Impeccables rôles secondaires, seul le Pietro de Wiard Witholt manque un peu de présence. Le chœur, personnage à part entière, est excellent - il suffit d'écouter la Prière du troisième acte, chantée dans le piano le plus homogène. Que la jeune génération puisse, à Dessau, donner une telle Muette a quelque chose de réconfortant.
D.V.M.