Le Barbier de Séville a fait son retour dans la Principauté de Monaco, lui qui n’y était pas apparu depuis plus de quinze ans – la dernière série de représentations remontait à 2001.
La mise en scène d’Adriano Sinivia convoque les mânes du cinéma. Sur le plateau, on tourne Le Barbier de Séville à la grande époque de la comédie italienne : les costumes situent la double action au tournant des années cinquante-soixante (Rosina arbore par exemple des pantalons corsaires, façon Bardot) et l’intrigue semble croiser le piquant de Divorce à l’italienne et la nostalgie douce-amère d’Amarcord. Le décor bouge à vue, révélant des coulisses affairées où les figurants jouent au perchman et autres accessoiristes. L’idée, si elle n’est pas essentiellement reliée au Barbiere, est sympathique, la scénographie d’Enzo Iorio (et les lumières de Fabrice Kebour) préférant toutefois les teintes pastel du souvenir à la pétulance de la musique rossinienne. On regrette aussi que le soin de détail apporté à cette mise en abyme dans son rendu scénique se perde parfois dans des gags potaches moins raffinés.
Familier de l’Opéra de Lausanne d’où vient la production, Corrado Rovaris dirige en revanche un Barbier plutôt tonique, souvent cuivré plus que de coutume – seul le continuo, bien monocorde, paraît en-dessous de cette lecture dynamique et vivante, partagée par l’Orchestre et les Chœurs de l’Opéra de Monte-Carlo. Les seconds rôles bien campés (Annunziata Vestri en Berta, pleine de panache, Deyan Vatchkov en Don Basilio, jamais histrionique, et jusqu’au Fiorello bien chantant de Gabriele Ribis) entourent un quatuor de tête aux bonheurs inégaux. L’expérience de Bruno de Simone (Bartolo) sait compenser une émission irrégulière par une évidente adéquation au style rossinien buffa ; on est bien moins convaincu par Mario Cassi (Figaro), dont les aigus de stentor masquent mal de très fréquentes approximations avec la partition, malgré la faconde de l’interprète ; Annalisa Stroppa déploie en Rosina un beau timbre de mezzo au bas-médium pulpeux et un abattage certain – même si on n’est pas « fan » de son fiorito, dont la technique martelée rappelle (y compris visuellement) Vivica Genaux. Aucune ombre au tableau, en revanche, pour l’Almaviva de Dmitry Korchak : souplesse et nuances, ciselé et élan, tout y est qui justifierait d’intituler l’opéra… Le Comte de Séville !
C.C.
Notre édition du Barbier de Séville : L’Avant-Scène Opéra n° 37 (éd. 2005).
Photos : OMC / Alain Hanel.