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Melody Moore (Cio-Cio-San).

 

Avant la production très attendue d'Elektra qui verra le retour de Yannick Nézet-Séguin dans la fosse de la salle Wilfrid-Pelletier, l'Opéra de Montréal ouvre sa saison avec une Madame Butterfly dont le principal mérite revient sans contredit à l'Orchestre Métropolitain et au chef James Meena. Rarement un orchestre québécois aura-t-il réussi à rendre aussi subtile, voire délicate, la partition de Puccini et à alléger la pâte orchestrale, sans que l'impact dramatique en souffre pour autant. Outre la beauté et l'expressivité des bois, on gardera longtemps en mémoire l'extrême poésie du violon solo de Marcelle Mallette, en particulier dans le duo d'amour et le chœur à bouche fermée. Extrêmement soucieux des chanteurs, Meena parvient par ailleurs à ne jamais mettre en péril des voix au gabarit relativement modeste.

Appelé à remplacer au pied levé Demos Flemotomos, Antoine Bélanger est un Pinkerton falot qui ne possède pas l'éclat et encore moins la puissance vocale que requiert le rôle. Actrice plus engagée, l'Américaine Melody Moore offre un portrait nuancé de Butterfly, sans toutefois s'approprier totalement le personnage. Pour nous bouleverser, il faudrait que cette Cio-Cio-San porte une plus grande attention au poids des mots, que la diction soit plus soignée et que la voix, d'une couleur plutôt terne, puisse se déployer avec plus d'aisance. Si le grave est pleinement sonore, le médium et surtout le registre aigu demeurent presque toujours voilés. Quelques superbes pianissimi ne peuvent racheter une interprétation manquant globalement de relief et, en somme, inaboutie. La Suzuki d'Allyson McHardy est sensible, touchante et parfaitement en situation, alors que le Sharpless de Morgan Smith remporte la palme de la meilleure voix, avec le bonze remarquable de Miklós Sebestyén. Christopher Dunham (Yamadori), Dylan Wright (le Commissaire) et Pascale Spinney (Kate Pinkerton), tous trois membres de l'Atelier lyrique de l'Opéra de Montréal, s'avèrent supérieurs au Goro de James McLennan. Pour sa part, le chœur pourrait améliorer son homogénéité au premier acte, mais se rattrape par la suite.

Conçu en 1988, le décor unique de Roberto Oswald comprend de très grands panneaux coulissants qui occupent toute la largeur de la scène et de somptueux cerisiers en fleurs devant et derrière la maison de Butterfly. Ne sachant pas vraiment tirer parti de cet espace surdimensionné, François Racine s'est contenté d'une mise en scène on ne peut plus sommaire, sans idées originales. C'est ce dont témoigne, par exemple, l'entrée de Cio-Cio-San au premier acte, d'une désolante banalité. Plutôt que d'évoquer la lente montée et l'apparition progressive de l'héroïne et de ses amies au sommet de la colline surplombant Nagasaki, Racine rate son effet en faisant se lever un rideau derrière lequel se tiennent les personnages qui ne savent que faire de leurs ombrelles ni comment évoluer sur scène. De même, Pinkerton semble bien embarrassé par le bâton que, dans sa colère, il a arraché des mains du bonze et qu'il dépose ensuite précautionneusement sur le sol. On s'étonne aussi de voir la très soumise Butterfly faire preuve d'initiative au moment de la nuit de noces lorsqu'elle enlève la veste de son époux... D'une qualité inégale, les éclairages d'Anne-Catherine Simard-Deraspe suscitent eux aussi des réserves : extrêmement réussis lors de l'entrée de Butterfly ou quand ils évoquent la floraison printanière du second acte, ils n'arrivent pas à traduire l'envoûtement de la nuit d'amour ou l'extraordinaire tension dramatique du dénouement. Au final, cette représentation assez routinière du chef-d'œuvre de Puccini ne marquera guère les annales de la compagnie montréalaise.

L.B.

A lire : notre édition de Madame Butterfly, L’Avant-Scène Opéra n° 56.


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Antoine Bélanger (Pinkerton) et Melody Moore (Cio-Cio-San). Photos : Yves Renaud.