Bruce Kelly (le Sacristain).
Si la nouvelle production de Tosca que propose en cette fin de saison l'Opéra de Québec ne laissera pas un souvenir impérissable – en raison d'une distribution aux mérites très variables –, elle possède néanmoins quelques atouts dignes d'éloges. Il convient d'abord de louer le travail exceptionnel qu'accomplissent l'Orchestre symphonique de Québec et le chef Giuseppe Grazioli qui, tout en maintenant une tension dramatique constante, réussissent à faire redécouvrir certains passages comme la pantomime de Tosca après le meurtre de Scarpia ou le lever du jour sur la cité de Rome. Les pupitres des cordes ont rarement sonné avec une telle splendeur et la clarinette de Stéphane Fontaine est admirable à la fin du deuxième acte. Un soin extrême a également été accordé à la spatialisation des cloches des différentes églises de la Ville éternelle. Très satisfaisant lui aussi, le chœur livre un puissant Te Deum au premier acte, mais quelle idée incongrue que de faire chanter les parties d'enfants par des femmes costumées en religieuses...
Dans cette Tosca, c'est le Scarpia du baryton James Westman qui retient d'abord notre attention grâce à la puissance de son jeu et de son chant. Cruel, fourbe, corrompu et sensuel, son chef de police en impose aussi par sa haute taille et sa forte présence scénique. Tout au plus pourrait-on souhaiter que la voix se détache davantage du chœur au moment du Te Deum. Dans le rôle-titre, Gianna Corbisiero fait montre d'un bon talent de comédienne, sans toutefois pouvoir répondre pleinement aux exigences de la partition. Un grave magnifique et de belles couleurs dans les phrases piano ne sauraient suffire à compenser le manque de décibels et de solidité dans l'aigu d'un organe qui ne peut réellement prétendre se mesurer à l'orchestration souvent très dense de Puccini. Si Thiago Arancam réussit à soulever l'enthousiasme d'une partie du public grâce à quelques aigus bien claironnants, il fait en vérité entendre un matériau vocal à l'état brut et une émission totalement désordonnée qui entachent grandement son interprétation de Cavaradossi. L'acteur s'avère malheureusement peu doué, engoncé dans des attitudes stéréotypées, la main sur le cœur ou les bras de chaque côté du corps pendant « E lucevan le stelle ». Les seconds rôles sont tous très bien tenus, en particulier par Marc-Antoine d'Aragon (Angelotti) et Patrick Mallette (Sciarrone).
Des trois décors réalisés par Michel Baker, celui de l'église Sant'Andrea della Valle est de loin le plus impressionnant, grâce à l'utilisation judicieuse de superbes projections. Au cours du finale du premier acte, alors que l'hymne d'action de grâce atteint son paroxysme et que les colonnes de l'édifice montent jusqu'aux cintres, un travelling nous fait subitement découvrir la voûte de la nef en un effet saisissant. L'appartement de Scarpia au Palais Farnese, un peu trop dépouillé, et l'esplanade du château Saint-Ange, d'une simplicité confinant à l'ascétisme, sont nettement plus ternes. La mise en scène de Jacqueline Langlais se cantonne dans une tradition de bon aloi, sans nous réserver de réelles surprises. Au final, James Westman, Giuseppe Grazioli et l'orchestre sont ici les vrais héros de la soirée.
L.B.
Lire notre édition de Tosca : L’Avant-Scène Opéra n° 11 (édition 2016)
Gianna Corbisiero (Tosca) et Thiago Arancam (Cavaradossi). Photos Louise Leblanc.