C’est comme Le Désert, une « ode-symphonie », avec récitant – et, donc, mélodrame. Mais Christophe Colomb ou La Découverte du Nouveau Monde, qui connut le même succès trois ans après, en 1847, sombra dans l’oubli – dont l’orientalisme avait sauvé Le Désert. Félicien David y confirme son sens de la couleur et des effets pittoresques, notamment dans une tempête marine et une danse sauvage, la sûreté de son métier. Il y montre aussi sa fidélité à l’idéal saint-simonien : l’œuvre s’achève sur une exaltation de la fraternité entre l’Ancien et le Nouveau Monde – très loin de l’idéologie coloniale. Comme l’écrit Alexandre Dratwicki, la partition a valeur de métaphore et il faut voir, à travers le conquistador, le Père Enfantin. Même si David n’est pas Berlioz, même si elle impressionne moins que l’opéra Herculanum donné la saison passée – en concert – à l’Opéra royal, l’œuvre s’écoute avec plaisir.
Exhumé au Festival Berlioz, Christophe Colomb a été repris à Versailles par les mêmes interprètes, à deux exceptions près. François Xavier-Roth et ses Siècles ne prennent pas vraiment leurs marques dans « Le Départ », où les sonorités et la direction sont un peu sèches. A partir de « Une nuit des tropiques », tout s’arrondit et s’assouplit, les couleurs prennent vie, la tension s’installe, alternant avec des passages contemplatifs souvent subtilement ouvragés : « La Révolte » et « Le Nouveau Monde » achèvent de convaincre, d’autant plus que le Chœur de la Radio flamande est excellent. Joseph Wagner n’a pas seulement l’autorité de Colomb : la voix est belle et homogène, l’articulation sans faille, le phrasé noble. Le Fernand de Julien Behr s’impose aussitôt par la qualité du timbre, l’aisance de la projection, l’élégance du style – on attend son Tamino à Bastille au printemps. Chantal Santon-Jeffery et Jean-Marie Winling sont les nouveaux venus : elle incarne une Elvire et une Mère indienne justes et émouvantes, il évite toute grandiloquence dans la partie du Récitant.
Production du Palazzetto Bru Zane, Christophe Colomb sera bientôt disponible sous forme de CD.
D.V.M.