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Le Chœur du Concert Spirituel.

 

Presser le temps, remplir l’espace : la nouvelle production de Castor et Pollux au Théâtre des Champs-Elysées semble éviter toute respiration, toute attente, toute suspension. Conséquemment, tout désir. Alors que ce Castor file à grande vitesse – tempi hâtifs d’Hervé Niquet, mais sans cette architecture intérieure, cette pulsation nette qui pourraient leur conférer un supplément de nerf ou d’incisivité – et s’agite en permanence – chorégraphie d’Andonis Foniadakis saturée de mouvements désordonnés et proprement lassante –, on s’ennuie. La monochromie d’un orchestre semblant toujours donner la même dynamique, sans netteté de coloris ou d’articulations, la monotonie d’une danse jamais renouvelée, toujours dans l’exacerbation brouillonne, paraissent vouloir combler le décor de Rudy Sabounghi.

Un décor qui, de jolie idée de départ (le Théâtre des Champs-Elysées pris lui-même pour cadre des Champs-Elysées mythologiques), s’avère cadre stérile. Rien dans les costumes kitsch (lamé des robes, faux ongles cheap de Phoebé…) ou dans la direction d’acteurs – absente – ne vient donner corps à des situations ou à des personnages, ni ne se relie à ce lieu donné, que ce soit avec son identité Arts Déco ou avec sa dimension métathéâtrale. La mise en scène de Christian Schiaretti paraît réduite à des options de contraste (Jupiter, seul ancré dans le XVIIIe avec son costume et sa machine) ou de tableau (le Zodiaque final et sa vidéo stellaire) mais laisse les interprètes à leurs limites de jeu – confinant parfois à la gaucherie ou à l’indifférence – et oublie de nous intéresser au mot et à l’expression musicale.

A part les Chœurs du Concert Spirituel, tout à leur affaire, on reste dubitatif devant un plateau vocal très hétérogène, chacun semblant issu d’une école de chant – et d’une conception de Rameau – différente. John Tessier, Castor léger mais délié, témoigne de quelque fatigue au fur et à mesure de la représentation mais tient sa partie avec égalité – et neutralité. Edwin Crossley-Mercer déploie en Pollux un vibrato très large, un chant manquant ici de dessin. Face à la Télaïre d’Omo Bello, souvent en défaut de diction et de justesse, la Phoebé de Michèle Losier se distingue nettement : élocution de tragédienne, chant excellemment tenu, présence convaincante n’était une gestuelle un peu erratique. Jupiter tonnant de Jen Teitgen, très bon Mercure de Reinoud van Mechelen, et une remarquable Hasnaa Bennani dans le rôle de Cléone, certes court mais ici enluminé.

Leur manque pour exister vraiment une mise en scène qui leur donne chair, une mise en musique qui leur donne souffle, une mise en danse qui leur donne grâce. Sans elles, Castor et Pollux restent plus mortels qu’il n’est permis.

 C.C.

Voir aussi notre édition de Castor et Pollux : L’Avant-Scène Opéra n° 209


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Edwin Crossley-Mercer (Pollux), Reinoud van Mechelen (Mercure) et John Tessier (Castor). Photos : Vincent Pontet / WikiSpectacles.