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Allison Oakes, Julia Rutigliano, Okka von der Damerau, Christiane Kohl, Nadine Weissmann, Dara Hobbs, Claudia Mahnke et Alexandra Petersamer (les Walkyries).

 

Suite de la saga de l’or noir. Mais autant L’Or du Rhin pétillait, autant La Walkyrie patine. Plus de virtuosité, plus de rythme : le concept tourne laborieusement en rond. Non qu’on rejette ce décor de bois, à la fois ferme et puits de forage quelque part en Azerbaidjan. Mais le Regietheater est prisonnier de son propre système. La vidéo, qui s’insérait à merveille dans le déroulement de l’action du Prologue, s’y superpose cette fois et la parasite. Certes le pétrole suscite partout les mêmes convoitises, en Europe comme en Amérique, quel que soit le régime. Après le capitalisme américain, le collectivisme soviétique. Et si les Allemands s’étaient emparés de Bakou, la guerre aurait peut-être pris une autre tournure.

Frank Castorf tombe donc ici dans le piège brillamment évité la veille : la perspective historique à tout prix, qui va de la tradition ancestrale – Wotan en moujik patriarche à longue barbe, Fricka en costume folklorique – à la politique industrielle du bolchevisme. Au moment d’une chevauchée de walkyries très mondaines en tenue de soirée, les guerriers du Walhalla plantent le drapeau rouge au sommet du puits… A la fin, pourtant, alors que l’on incendie les puits pour les soustraire à l’envahisseur allemand, Brünnhilde grondée s’endort dans son lit de jeune fille : persistance d’une société archaïque imperméable à la marche de l’histoire… et pouvant donc être récupérée par le mythe ? On ne sait plus. Les néophytes doivent être d’autant plus perdus qu’il n’y a pas de surtitrage à Bayreuth : que nul n’entre ici s’il n’est wagnérien...

L’imagination du metteur en scène s’essouffle, tourne en rond comme le décor. Dans un premier acte classique, entre bottes de foin et basse-cour, Sieglinde, par exemple, va très prosaïquement chercher l’épée dans la grange… L’embrasement du rocher viendra tout aussi prosaïquement d’un baril de pétrole… Reste la direction d’acteurs, encore assez affûtée mais plus superficielle que dans L’Or du Rhin – il est certes plus difficile de faire jouer ici les ressorts de l’ironie, que Siegfried pourra de nouveau mettre en marche.

Tout repose donc sur les épaules des chanteurs et du chef. Les voix sont beaucoup plus caractérisées que dans L’Or du Rhin. Wolfgang Koch se ménageait-il ? On entend cette fois un vrai Wotan, au timbre mordant, courroucé ou attendri, à qui l’on pardonnera un grave un peu timide, une légère tendance à confondre parfois l’ire divine et la rage du Nibelung en tubant ses notes, mais dont on n’oubliera pas le récit et les adieux subtilement phrasés. Styliste aussi est Joan Botha, très lyrique Siegmund à qui il manque seulement une voix plus sombre et plus centrale pour incarner un héros maudit, victime du Hunding fatigué de Kwangchul Youn et de la Fricka altière et méchante, mais à la ligne tenue, de Claudia Mahnke. Après le naufrage de son cri de guerre, Catherine Foster compense par la sincérité de la composition le manque de raffinement du phrasé et de la dynamique, avec une voix au médium charnu et à l’aigu instable. Anja Kampe, en revanche, même à la limite de ses moyens parfois, irradie en Sieglinde par la chaleur du timbre et l’homogénéité de la tessiture, se libérant peu à peu jusqu’à un troisième acte incandescent.

Dans la fosse, Kirill Petrenko tient les promesses de L’Or du Rhin. Autant la mise en scène est éclatée, autant sa direction est concentrée, tendue vers l’avant : aucun temps mort dans le long récit de Wotan, pierre d’achoppement du deuxième acte, ni dans l’annonce de la mort. L’orchestre est aussi sensuel au premier, pendant la rencontre des jumeaux, que puissant au troisième, un des plus beaux qu’on ait jamais entendus sur la Colline, d’une chevauchée impeccablement tenue, où le souffle épique n’est jamais pompiérisme, à l’enchantement du feu, plein de mystérieuse magie. Une fois de plus, le chef russe l’emporte à l’applaudimètre.

D.V.M.

Voir aussi notre édition consacrée au Ring : L’Avant-Scène Opéra n° 227-230

et notre numéro spécial sur Le Festival de Bayreuth : L’Avant-Scène Opéra n° 274


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Anja Kampe (Sieglinde) et Johan Botha (Siegmund). Photos : Bayreuther Festspiele / Enrico Nawrath.