Bálint Szabó (Strommiger), Ivanna Lesyk-Sadivska (Walter), le Chœur du Grand Théâtre de Genève et Vitaly Bilvy (Vincenzo Gellner).
Le Grand Théâtre de Genève clôture sa saison 2013-2014 avec La Wally dont l'orchestration luxuriante, l'atmosphère oppressante de déréliction et la force dramatique rendent incompréhensible l'absence quasi totale sur nos scènes lyriques. À la tête de l'Orchestre de la Suisse Romande, Evelino Pidò prouve, si besoin était, l'intérêt extraordinaire de la partition de Catalani qu'il prend un plaisir manifeste à diriger, en particulier dans les superbes préludes des IIIe et IVe actes et les déchaînements passionnés du finale. Quant au chœur, s'il manque parfois un peu de précision, il fait montre d'une belle ardeur communicative.
Prenant la succession d'Ainhoa Arteta pour les deux dernières représentations, Morenike Fadayomi campe une Wally d'une très belle musicalité qui exprime parfaitement la désillusion amoureuse et l'immensité de sa souffrance. La voix semble prématurément vieillie et le vibrato est parfois gênant, mais l'artiste transcende ses limites par un sens de la nuance exemplaire. Annoncé souffrant, le ténor Yonghoon Lee fait entendre en Giuseppe la meilleure voix de la distribution : timbre lumineux, aigus rayonnants, superbes harmoniques. Outre une vaillance exceptionnelle, il joue toujours de façon très juste, notamment après le fameux baiser du IIe acte, où l'on sent le trouble qui s'empare de lui. Avec ses mouvements un peu gauches et sa superbe voix de baryton, Vitaliy Bilyy est parfait dans le rôle de Gellner, l'amoureux éconduit de Wally. Ivanna Lesyk-Sadivska nous régale d'un timbre splendide en Walter, tandis que Bálint Szabó est un Stromminger autoritaire mais à la voix de basse un peu légère.
Cesare Lievi et le décorateur Ezio Toffolutti ont planté leur Wally dans un Tyrol coloré pour les deux premiers actes qui font très image d'Épinal – avec costumes traditionnels, toile de fond représentant les Alpes et accessoires on ne peut plus réalistes comme l'ours tué par Giuseppe. Beaucoup plus dépouillée, la deuxième partie se déroule dans des décors tendant à l'abstraction et qui réussissent par des moyens simples mais somme toute efficaces à évoquer la furie des éléments. Parmi les moments forts de la mise en scène, on retiendra la danse du baiser du deuxième acte, où le chœur masqué ajoute à la cruauté de la scène qui engendre tout le drame. Au début du dernier acte, Wally est prostrée dans la nature, enveloppée d'une couverture et indifférente à la tempête qui s'élève. Plutôt que de la faire s'élancer dans le vide au moment de son suicide, le metteur en scène la laisse glisser doucement sur un drap blanc qui symbolise les neiges éternelles. En plus de la très bonne tenue musicale de l'orchestre et des solistes, ce sont ces images fortes et poétiques qui vont longtemps s'imposer à notre souvenir.
L.B.
Morenike Fadayomi (Wally), Yonghoon Lee (Giuseppe) et Bruno Balmelli (Il Pedone). Photos : GTG / Carole Parodi.