Gregory Dahl (Macbeth) et Lyne Fortin (Lady Macbeth).
Pour l'entrée à son répertoire de Macbeth, l'Opéra de Québec reprend une production de Morris Panych donnée d'abord en octobre 2012 au Pacific Opera Victoria avec trois des interprètes principaux et le même chef, soit Timothy Vernon, fondateur et directeur artistique de la compagnie britanno-colombienne. Si ce dernier accomplit un travail admirable à la tête de l'Orchestre symphonique de Québec, la réalisation scénique ne suscite pas autant d'enthousiasme. Le spectacle commence un peu comme au cinéma, avec une espèce de générique projeté sur un rideau à l'avant-scène, lequel rideau réapparaîtra au début de chaque tableau pour évoquer le bois des Sorcières, le château de Macbeth ou la forêt de Birnam, et qui compense un peu l'absence quasi totale de décors. Le metteur en scène abuse de ce rideau/écran, qu'il abaisse trop souvent et qui vient isoler les solistes, idée particulièrement incongrue dans l'air de Macduff « Ah, la paterna mano », qui s'adresse au peuple écossais, rendu ici invisible après avoir chanté « Patria oppressa ». Ce qui meuble principalement l'espace, ce sont des lignes horizontales et verticales qui se retrouvent sous forme de projections et d'éléments de décors qui vont et viennent incessamment sans qu'on sache trop pourquoi. Tout aussi inexplicables (à moins qu'il ne s'agisse d'une allusion voilée au « bruit » et à la « fureur » de la pièce de Shakespeare) sont les incessants grondements de tonnerre qui couvrent parfois l'orchestre et dont l'effet s'en trouve à chaque fois amoindri.
Fort heureusement, l'oreille est bien plus à la fête que l'œil. Grâce à la direction nerveuse et riche en contrastes de Timothy Vernon, l'Orchestre symphonique de Québec et le chœur sonnent merveilleusement bien, conférant à la partition de Verdi tout son impact dramatique. Habitué des scènes québécoises, le baryton Gregory Dahl trouve en Macbeth un rôle qui révèle la pleine mesure de son art : splendeur vocale, longueur de souffle, jeu naturel et puissant, tout est réuni pour faire de son Roi d'Écosse une incarnation majeure. De même, le Banquo d'Alain Coulombe est un modèle de bon goût musical et de grande dignité scénique. Les ténors Luc Robert et Éric Thériault rivalisent d'assurance et d'énergie dans les rôles de Macduff et de Malcolm. Reste le cas plus problématique de Lyne Fortin en Lady Macbeth. La soprano possède une voix puissante qui domine sans difficulté les masses chorales et orchestrales, mais qui ne parvient pas à s'épanouir parfaitement en un son plein et rond. L'actrice est en général convaincante, mais – peu aidée par une direction d'acteurs assez faible – sa scène de somnambulisme manque de ce caractère halluciné que l'on est en droit d'attendre de ce très grand moment de théâtre. Au total, voilà un Macbeth fort bien dirigé et qui brille par sa distribution masculine, mais dont la vision scénique manque d'envergure.
L.B.
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Photos : Louise Leblanc.