La production en 2004.
Parmi les reprises de la saison, l’Opéra de Paris propose cette Italienne à Alger mise en scène par Andrei Serban en 1998. L’intention y est avant tout cartoonesque, à travers les décors et costumes volontairement clinquants de Marina Draghici et une suroccupation permanente du plateau par des gags plus ou moins réussis. Passées les atroces rondeurs de latex imposées à des choristes-eunuques du harem semblant bien encombrés de ce costume, la laideur tourne au kitsch assumé et finit par imposer un peu d’humour quand il s’agit de détailler Mustafa en émir bling-bling noyé dans le mauvais goût doré. Même si cette contextualisation a ses limites – un terrain glissant aux conséquences pas complètement étudiées – et une grande part de vacuité dans sa vision des personnages (lire ici notre compte rendu de la reprise de 2010). Car trop de bouts d’idées mésusées, apparaissant et disparaissant ici et là, pas assez de peps dans le maniement du collectif (chorégraphies ou simples déplacements d’ensemble), une direction d’acteurs qui cherche du côté du boulevard sans forcément le régler au cordeau… font régulièrement retomber le potentiel soufflé : malgré ses couleur criardes et son agitation, la production reste terne d’esprit.
Seule la musique parvient alors à nous faire vraiment sourire – mais quelle musique ! La direction de Riccardo Frizza sert un Rossini subtil, velouté, jamais poussé à l’excès. La distribution 2014 est assez homogène, sans pourtant se hisser à la pléiade d’étoiles qui pourrait faire véritablement exploser le génial septuor du finale primo. L’Isabella de Varduhi Abrahamyan est élégante et de belle eau – timbre profond et chaleureux, et une vocalisation souple qui n’exhibe pas la mécanique sur le visage ; à part un aigu mal négocié, sa prestation est réussie – sans compter une silhouette qui porte bien le look « Prada-Gucci » que la production réserve à son « Italienne ». A la place de Kenneth Tarver initialement programmé, Antonino Siragusa est un Lindoro véloce mais au chant vert et ouvert ; les belles nuances qu’il sait convoquer dans son medium se muent, dans l’aigu, en des sons tirés et efforcés qui font alors perdre son charme au personnage. Moins techniquement rossinien dans sa projection, Ildebrando D’Arcangelo tient néanmoins sa partie sans faillir, et fait montre d’un talent burlesque appréciable. Jaël Azzaretti est une Elvira piquante, mais presque pincée aussi – la mise en scène n’a pas de pitié pour le personnage et en fait une écervelée. Tassis Christoyannis s’amuse en Taddeo, Nahuel di Pierro est un Haly remarquable et Anna Pennisi une Zulma de beau timbre.
Tout cela fait une soirée honnête et souvent sympathique. Mais on n’en sort pas avec, dans la tête et les yeux, les « ding-ding » fous de Rossini…
C.C.
Lire aussi notre volume consacré à L’Italienne à Alger : L’ASO n° 157
Photos : Opéra national de Paris / E. Mahoudeau.