Le Villi, premier opéra de Puccini composé pour un concours et créé en 1884, est un ouvrage expérimental, pâtissant d’un livret à la fois elliptique et redondant comme d’un ton inégal, tour à tour démonstratif, académique – ou inspiré : le talent d’orchestrateur de Puccini s’y déploie déjà, passant même devant le souffle mélodique. Les trois brefs tableaux mettent en scène des personnages basiques (les amants, soprano et ténor, et le père-baryton), une intrigue d’amour malheureux sur fond de légende fantastique germanique ; le chœur des Villi, des jeunes femmes mortes revenant hanter les hommes infidèles, s’y taille une belle part, servi avec une belle ampleur par le Chœur de Radio France, et leur Sabbat orchestral est le morceau de choix de la partition.
Le concert présenté au Théâtre des Champs-Elysées rend mal justice à la programmation pourtant judicieuse de cette œuvre attachante. A la tête de l’Orchestre national de France, Luciano Acocella encourage les aspects les plus explosifs de la partition, au détriment de l’équilibre avec les voix et de l’esthétique d’ensemble, poussée autant que possible vers le vérisme exacerbé. Seule Ermonela Jaho (Anna) peut soutenir un tel défi, qui sait ne pas forcer son medium, gérer des graves soignés et épanouir dans l’aigu une voix ronde et expressive quelles que soient les tensions sous-jacentes. Mais le ténor de Thiago Arancam (Roberto) insupporte, entre timbre efforcé et dynamique paroxystique, outre que son anticipation systématique du son le mène à de fréquents problèmes de mise en place voire de justesse. Pas mieux pour le baryton Àngel Òdena (Guglielmo) dont quelques notes stentoriennes ne peuvent masquer l’instabilité prosaïque.
Fallait-il, dans ces conditions – un plateau vocal par trop inégal et un chef porté à l’excès –, faire précéder Le Villi d’une première partie en forme de récital vériste ? Le Prologue de Tonio et « Vesti la giubba » de Canio (Pagliacci), « Mamma ! Mamma… » de Turiddu (Cavalleria rusticana) surexposent les manquements évoqués plus haut. Heureusement, « L’altra notte in fondo al mare » (Mefistofele) et « Poveri fiori » (Adriana Lecouvreur), par la voix d’Ermonela Jaho, nous rappellent que l’émotion extrême peut être élégante, et le déchirement, nuancé.
C.C.