Aude Extrémo (Lucretia). Photo : OnP / Mirco Magliocca.
Le Viol de Lucrèce est une œuvre difficile à défendre sous certains aspects – notamment son côté chrétien-édifiant plaqué sur une intrigue antique et âpre qui se suffirait à elle-même. En produisant cet opéra de chambre de Benjamin Britten, créé en 1946 et destiné à 8 chanteurs et 13 instrumentistes, l’Athénée fait un pari que les solistes de l’Atelier Lyrique de l’Opéra national de Paris (distribution en alternance, ici n° 2) ne relèvent que partiellement. Certes, la direction exaltée de Maxime Pascal, à la tête d’un ensemble Le Balcon impeccable, refuse à l’évidence de jouer la carte « de chambre » et cherche un souffle et un impact dignes de partitions plus généreuses. Mais elle pousse ainsi les voix à donner leur maximum, ce qui, d’une part, n’est pas impératif dans le cadre intime du théâtre Louis-Jouvet, et d’autre part accuse d’autant les faiblesses de certains : la partie du Chœur masculin excède de beaucoup vers le grave la tessiture de Kévin Amiel, qui avoue aussi un timbre très fatigué quand il sort de sa zone de confort ; Pietro Di Bianco n’a pas toute l’ampleur ni la maturité de couleurs que requiert Collatinus, ni Vladimir Kapshuk l’autorité lascive de Tarquinius. D’autres tirent leur épingle du jeu de façon plus homogène et efficace, grâce à un casting plus adapté : les deux servantes Bianca (Cornelia Oncioiu) et Lucia (Armelle Khourdoïan), le Chœur féminin (Elodie Hache, d’une belle intensité) et surtout la Lucretia d’Aude Extrémo, un mezzo long et généreux qui tient ici sans faillir la partie de contralto profond créée par Kathleen Ferrier – lui manque encore de libérer son jeu très contraint voire monochrome. Malgré d’évidents mérites musicaux collectifs, pour presque tous le travail sur l’anglais reste encore très imparfait, que ce soit du point de vue du choix esthétique, avec des « r » inégalement roulés ou pas par les uns et les autres, ou de la musique de la langue, dont les diphtongues et accents toniques semblent parfois franchement ignorés – exception notable avec Kévin Amiel. La mise en scène de Stephen Taylor privilégie le minimalisme scénographique et la référence discrète au temps de la création (costumes ciblant la Deuxième guerre mondiale) ; quelques gaucheries encore dans la direction d’acteurs, à mettre sur le compte de la jeunesse des interprètes et/ou de la complexité à entrer dans des personnages tout d’un bloc. Au total, l’entreprise reste donc inaboutie, mais louable aussi en ses points les plus réussis.
C.C.