La production en 2011. Photo : Heikki Tuuli.
Rossini composa l’opéra semiseria La Cenerentola pour la saison du carnaval du Teatro Valle à Rome en 1817, alors qu’il était sous contrat comme directeur des théâtres royauxs à Naples où sa troupe consistait surtout de chanteurs hors pair d’opera seria. Ainsi les incursions dans l’opera buffa et semiseria furent essentiellement des commandes provenant d’autres théâtres italiens pendant cette période fructueuse de sa carrière. Malheureusement, l’esprit de carnaval manquait cruellement à l’Opéra national finlandais qui nous a livré ici un spectacle de troupe dans une production faisant partie du répertoire du théâtre depuis au moins 20 ans – cette fois sous la direction de Pietro Rizzo. Cette mise en scène conventionnelle et démodée, dans un décor traditionnel avec des costumes à l’eau de rose, n’inspire personne, surtout pas les chanteurs, et le spectacle manque d’énergie, de verve, d’esprit. Les 14 choristes masculins semblent se réveiller de la torpeur de leur loge chaque fois qu’ils paraissaient en scène, exécutant leur tâche avec un manque cruel de soin musical et dramatique.
Pour monter un opéra de Rossini, la moindre des choses est de choisir des chanteurs qui savent vocaliser. Mis à part un ténor d’exception, le jeune finlandais Tuomas Katajala, et un baryton-basse mexicain, Noé Colín, dans le rôle de Don Magnifico, ce n’est pas le cas. Les belcantistes les moins convaincants sont Ann-Marie Heino dans le rôle-titre et Jussi Merikanto dans le rôle de Dandini. Heino n’injecte aucune énergie dans son interprétation et réduit le son de sa voix à un petit filet pour produire des vocalises qui manquent de puissance. Merikanto possède une voix naturelle mais ne s’occupe guère de la beauté du timbre, du placement vocal et « savonne » ses vocalises. Néanmoins, si la basse finlandaise Hannu Forsberg, dans le rôle d’Alidoro, semble parfois manquer de puissance, il s’acquitte admirablement de son air, écrit par Rossini à l’occasion d’une reprise de l’opéra en 1821 pour Carlo Moncada.
L’air d’Alidoro est par ailleurs victime de coupures traditionnelles peut-être il y a 20 ans mais qui, de nos jours – à l’heure où l’intérêt critique pour l’œuvre de Rossini s’est accru et où de nouvelles éditions critiques de ses opéras et des enregistrements s’ensuivent –, laissent l’auditeur déçu et frustré devant la négation de l’équilibre et de la symétrie prisés par Rossini et son époque. L’air de Ramiro au deuxième acte, où l’on attendait que ce ténor à la voix agile et percutante nous montre de quel métal il était fait, est coupé tout aussi court, sans reprise de la cabalette, terminant ainsi sur une cadence gauche et en force, plutôt que sur une cadence gracieuse et ornementée. Reste qu’un opéra présentant trois différents types de basses dans des rôles principaux ne cesse pas de surprendre, surtout dans les concertati où les couleurs veloutées de l’ensemble masculin séduisent et caressent nos oreilles. Allez voir et entendre la délicieuse Cenerentola de Rossini, mais pas cette exécution.
C.R.
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