Antoine Philippot (le Général Boum), Olivier Hernandez (le Prince Paul) et Flannan Obé (le Baron Puck). Photo : Claire Besse.
Le titre du spectacle annonce la couleur : c’est une Grande Duchesse un rien réaménagée qui fait la revue des troupes de Gérolstein. Compte tenu des petites dimensions de l’Athénée, la partition d’Offenbach est réorchestrée par Thibault Perrine pour un ensemble de neuf musiciens : on y gagne une mobilité d’action des instrumentistes, se déplaçant sur le plateau quitte à y jouer les accessoiristes ; on y perd en rondeur sonore, les timbres solistes additionnés s’avérant un périlleux alliage plus âpre que fondu. Le livret est lui aussi revisité, dans un esprit de facétie que n’auraient pas renié Offenbach, Meilhac ou Halévy : l’amoureuse du soldat Fritz, Wanda, est ici… un de ses camarades de chambrée ; et le baron Grog se révélera finalement non pas un père de famille nombreuse, mais une femme infiltrée incognito à la cour. Plus généralement, certaines pièces (et péripéties) sont supprimées, d’autres déplacées, quelques rôles redistribués, le tout menant à une Grande Duchesse « de poche » qui ne perd ni de son charme ni de sa verve.
Faisant feu de petit bois en termes économiques (quelques éléments de décor pour tout habillage du plateau, et de délicieux costumes de soldats d’opérette – et fort tatoués – pour l’armée de la Grande Duchesse), la mise en scène de Philippe Béziat (dont on loue régulièrement l’art de la captation filmée des spectacles lyriques) réussit le pari d’être drôle, pertinente et fluide. Elle repose aussi sur deux éléments précieux. D’une part, les chorégraphies funky de Jean-Marc Hoolbecq qui accompagnent à merveille les ensembles et la folie galopante de leur prosodie déréglée : loin d’être basiques, elles sont réalisées avec soin et peps par les chanteurs. D’autre part, les multiples talents des dits chanteurs, qui atteignent à l’équilibre rare du chant plein allié à une élocution parfaite comme à une verve comique indéniable. Bref : c’est l’essence même du théâtre d’Offenbach et de sa musique qui est ici honorée.
Si le ténor d’Olivier Hernandez est parfois fragile, cela va jusqu’à servir le personnage falot du Prince Paul. Flannan Obé est un Baron Puck impeccable de drôlerie malfaisante et Antoine Philippot, bien que manquant d’une assise grave suffisante pour faire détoner son Général Boum, a un abattage certain. Le soldat Fritz de François Rougier est plein de vigueur, même s’il pousse un peu sa voix à ses limites en fin de parcours ; David Ghilardi lui donne la réplique en soldat Krak joliment énamouré et d’un beau raffinement vocal. Enfin, Isabelle Druet séduit et ravit en Grande Duchesse : elle possède la voix du rôle – y compris des graves sensuels sans être écrasés –, son esprit, une présence scénique vivifiante et joueuse. Et, comme tous ses partenaires, une diction qui fait honneur au chant français. Sous la direction bien tenue de Christophe Grapperon, discrètement placé (et déplacé) sur le plateau comme tous les musiciens, les Brigands offrent au public une nouvelle preuve de leur belle énergie, doublée d’une très fine conception d’ensemble. Grande Duchesse de poche, peut-être, mais cousue main et made in Offenbach.
C.C.
Antoine Philippot (le Général Boum) et Isabelle Druet (la Grande Duchesse). Photo : Manuel Vidal.