OEP334_1.jpg
John Tessier (Gérald), Dominique Côté (Frédéric), Audrey Luna (Lakmé) et Burak Bilgili (Nilakantha).

 

Spectacle inaugural de la 34e saison de l'Opéra de Montréal, Lakmé revient dans les décors et costumes extrêmement colorés de Mark Thompson que l'on peut voir dans un DVD enregistré à Sydney en 2011 et qui avaient ravi le public québécois en 2007. Dans une Inde fantasmatique revue dans le style de Bollywood, l'ouvrage de Léo Delibes trouve un écrin somptueux qui rehausse d'un éclat particulier son caractère somme toute délicat et plutôt intimiste. La mise en scène a cette fois-ci été confiée à Alain Gauthier, dont le récent Dead Man Walking a laissé une très forte impression. Visiblement moins à l'aise dans l'univers feutré de Lakmé, il propose néanmoins une lecture respectueuse du livret et sait bien animer le plateau, encore que l'on puisse imaginer davantage de fébrilité dans les mouvements de foule du deuxième acte. Quelques maladresses mériteraient d'être corrigées, notamment au dernier acte : l'arrivée inopinée de Frédéric ne surprend guère Gérald, pas plus que la mort de Lakmé ne semble susciter d'émotion véritable chez son père Nilakantha.

Interprète sensible dont le timbre fragile convient très bien au caractère vulnérable de la jeune héroïne qui découvre l'amour, Audrey Luna est une merveilleuse Lakmé, à la technique solide, aux trilles remarquables et aux aigus percutants. Si son Ariel, dans La Tempête de Thomas Adès, avait fait sensation lors du Festival d'Opéra de Québec (2012), sa Lakmé nous touche par sa profonde humanité. Tout au plus peut-on lui reprocher un vibrato parfois un peu excessif et certaines libertés discutables dans l'Air des clochettes. En Gérald, John Tessier fait entendre une voix aux couleurs intéressantes, mais son chant manque singulièrement de charme et de sensualité. Toutes les notes sont là, de même que de nombreuses nuances, sans cet allant, ce minimum d'abandon indispensables pour donner vie à son personnage. La basse turque Burak Bilgili campe un Nilakantha autoritaire à souhait, au grave un peu rocailleux et aux aigus glorieux. Dominique Côté est un Frédéric fort agréable, à la diction soignée et au jeu naturel. Grâce à sa voix qui se marie idéalement à celle d'Audrey Luna, Emma Char est parfaite en Mallika, tandis que Florie Valiquette se distingue en Ellen racée et bien chantante. Excellente contribution des choristes, qui gagneraient toutefois à être un peu plus nombreux. À la tête de l'Orchestre Métropolitain, Emmanuel Plasson mérite les plus grands éloges : à l'exception de deux ou trois passages adoptant un tempo un peu trop vif, sa direction est exemplaire dans son souci constant de souligner les raffinements de la partition et de ne jamais couvrir les voix. Tout comme dans Faust, qu'il vint diriger en mai 2012, il démontre une compréhension extraordinaire du répertoire français du XIXe siècle. Souhaitons que l'Opéra de Montréal ait la bonne idée de le réinviter, car il est, avec Audrey Luna, le triomphateur de la soirée.

L.B.

Lire aussi notre édition de Lakmé : L'Avant-Scène Opéra n° 183


OEP334_2.jpg

Audrey Luna (Lakmé) et John Tessier (Gérald).
Photos Yves Renaud.