C’est en novembre 2010 (et non 2012, comme indiqué par erreur dans le programme) que Peter Brook présentait aux Bouffes du Nord sa nouvelle création lyrique. Le travail d’adaptation – réalisé par Frank Krawczyk, Marie-Hélène Estienne et le metteur en scène lui-même – joue sur la durée du chef-d’œuvre mozartien (l’opéra est réduit à 1 h 15 sans entracte), le format (seuls les personnages principaux sont conservés, accompagnés d’un piano) et la proximité (les récits sont en français, la narration va à l’essentiel). Mais l’adaptation est aussi une proposition singulière : un comédien s’immisce dans l’action, vecteur de notre regard amusé et attendri sur les personnages – formidable Abdou Ouologuem. L’équilibre entre humour et gravité, grâce des émotions et prosaïsme du dispositif, est maintenu en permanence et réalise exactement le projet de la Flûte : mêler le conte initiatique et la fantaisie joueuse. Le Théâtre des Bouffes du Nord est bien sûr un écrin idéal, qui nous ramène, par le biais de son décor « passé », à des temps immémoriaux, et, par son rapport scène-salle unique, à un théâtre ancestral où le public participe d’une expérience plus qu’il n’assiste à un spectacle.
Comme en 2010, l’équipe vocale est jeune, fraîche, figure de l’innocence et de la sincérité en jeu dans l’ouvrage. Des êtres qui vivent et sont simplement « là », plutôt que des chanteurs en représentation : le passage du chant à la parole est ici sidérant de naturel et d’équilibre, une leçon certes rendue possible par le petit volume des Bouffes du Nord qui permet une projection a minima, mais une leçon tout de même ! Malgré deux petites réserves – l’une pour le rubato excessivement concédé par le piano de Rémy Atasay aux airs des uns et des autres, l’autre pour le chant tubé de Vincent Pavesi (Sarastro), au timbre néanmoins profond –, la soirée musicale est un plaisir, où se détachent plus nettement peut-être le Papageno joueur et net de Virgile Frannais, la Pamina fragile et forte à la fois d’Anne-Emmanuelle Davy, et au plus haut le Tamino d’Antonio Figueroa – maîtrise absolue dans le style, le son, la nuance : un Prince crédible, et un ténor sachant son Mozart. Une flûte enchantée… à ne pas manquer.
C.C.
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Photos Pascal Victor / ArtComArt.