Harpe d’or pour lui, robe pourpre toute de plissés pour elle : le duo Damrau / De Maistre, outre la fusion parfaite du timbre blond de la soprano avec la liquidité de la harpe, a joué lors de son récital parisien d’une harmonieuse inscription dans le cadre du Palais Garnier. Tout au long d’un récital mêlant le Lied allemand et la mélodie française, leur parfaite entente musicale – tissée d’inflexions impalpables sans besoin même du regard, d’un accord idéal dans la façon de poser un temps ou de le retenir – a réussi à faire d’une salle de près de 2000 places au décor munificent, un salon intimiste où chacun croit être seul au monde avec la musique. Aux côtés de la harpe magistrale de Xavier de Maistre – une palette de touche et de couleurs qui architecture le son avec grâce et force à la fois –, Diana Damrau relève le défi de pièces taillées pour une voix plus ample, grâce à un art subtil et ciselé qui captive et concentre l’attention ; cela, ainsi que son attitude – visage radieux et bienveillance – signent la grande artiste.

Hormis l’éternel débat sur l’opportunité ou pas d’applaudir entre les Lieder – qui a bien failli échauffer le public –, il est passé de ces silences en ce soir du 22 mai comme rarement on en entend dans une salle d’opéra, tant les nuances soyeuses et les phrasés sur le fil de la soprano transportaient l’auditeur comme en lévitation. On peut certes regretter une diction française sacrifiée à la ligne, ou bien que la harpe ne puisse rendre absolument le piano généreux des Strauss les plus voluptueux. Mais ces réserves s’éteignent d’elle-même quand on se souvient des grands moments de la soirée – parmi lesquels un Gretchen am Spinnrade de diseuse, d’actrice et de grande technicienne mêlées, où « Meine Ruh’ ist hin » semble une émanation désolée à peine formulée tandis que le souvenir du baiser déferle et enivre. En guise de second bis (après « Oh ! quante volte » des Capuleti), un Morgen éthéré qui semble émerger du silence pour se fondre dans la lumière. Damrau était, hier soir, la Voix du Printemps qui manque, ces jours-ci, à Paris…

C.C.