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Vue d'ensemble.

Il était deux fois…

Heureuse idée que de faire entrer au répertoire de l’Opéra de Paris l’ouvrage « pour enfants » de Humperdinck inspiré des frères Grimm, son univers de conte fantastique et ses clins d’œil à Wagner s’immisçant entre deux chansons populaires, conférant à l’ensemble une fraîcheur sympathique.

Fallait-il le faire dans une mise en scène qui, sous couvert de démontrer lourdement que la psychanalyse est désormais la grille de lecture obligée des contes pour enfants, plombe aussi bien le regard du spectateur que la vie du plateau, c’est une autre question… Car entre premier et second degré, conte et sous-texte, fantaisie et noirceur, Mariame Clément non seulement ne choisit pas mais court tous les lièvres à la fois. En résulte un décor compartimenté en split screen, avec figurants dédoublant les interprètes au sein de pièces dupliquées à l’identique. Dispositif gémellaire jamais systématique d’ailleurs : les objets – raccord ou pas entre deux pièces "miroir" –, la décoration intérieure – subtilement transformée de l’une à l’autre –, le changement de proportions soudain subi par tel ou tel accessoire, tout cela apparaît alors comme une accumulation de coquetteries intellectuelles destinées à dire au public « vous croyez comprendre, mais c’est encore plus compliqué ». Exemple même d’un didactisme analytique foisonnant sur le papier, mais brouillant sur scène tout le plaisir immédiat que l’on attend d’un tel ouvrage – au passage, latéraliser tout l’acte I côté jardin est une idée bien cruelle envers le public dans un théâtre à l’italienne… Pour résumer : selon les « cases », les parents envoient les enfants dans la forêt – ou au lit ; l’absence de leur progéniture les panique – ou les incite à profiter d’une soirée libre en ébats coquins (dont la direction d’acteurs ne joue pas à l’avantage des interprètes) ; le Marchand de sable est féerique – ou bien un ami de la famille venant souhaiter le bonsoir aux enfants… C’est quand Mariame Clément fait confiance à l’ouvrage dans sa naïveté que la salle se détend et enfin s’amuse : quand Gretel se prend pour un bébé-Walkyrie, ou que la Sorcière émerge d’un gâteau géant et coloré redéfinissant à lui seul l’esprit du kitsch crémeux.

Autre coquetterie – à double tranchant, cette fois –, que cette Sorcière : une Anja Silja plus guest star que pleine interprète. On admire certes la grande dame – et son abattage scénique : qui d’autre pourrait porter avec autant de chien une robe en lamé fuschia et un boa vert, et s’en amuser de façon aussi vénéneuse ? Mais force est de constater que son instrument vocal, désormais usé, affiche un trou dans le medium qui rend la moitié du rôle inaudible, et un wobble aigu rendant l’autre moitié insupportable. Heureusement le reste de la distribution est un casting impeccable, notamment Anne-Catherine Gillet – une Gretel lumineuse et vive, rayonnante aussi quand il le faut, joliment associée au Hänsel rond et souple et Daniela Sindram ; les parents (Jochen Schmeckenbecher et Irmgard Vilsmaier) possédant comme de juste une maturité vocale plus opulente. Dernier regret pourtant, la direction de Claus Peter Flor qui fait sonner l’Orchestre de l’OnP avec une épaisseur constante, oublie de nuancer et éclairer le propos, et contribue à l’impression de lourdeur générale.

On attendait avec gourmandise ce Hänsel et Gretel. Quel dommage de passer à côté du plaisir et de l’humour, de la fantaisie et – même – de la peur enfantine, à force d’appuyer. Au lieu de déguster le pain d’épices, on en lit sa recette – c’est peut-être instructif, mais fort long et moins goûteux.

C.C.

Voir aussi notre édition de Hänsel et Gretel : ASO n° 104


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Anne-Catherine Gillet (Gretel) et Daniela Sindram (Hänsel). OnP / Monika Rittershaus.