Rachèle Tremblay (Miss Todd) et Florie Valiquette (la Femme de chambre).
Pour son spectacle annuel, l'Atelier lyrique de l'Opéra de Montréal a eu l'excellente idée de présenter dans la salle historique du Monument-National deux courts ouvrages de Menotti, The Old Maid and the Thief et Amahl and the Night Visitors, dans une mise en scène de Martine Beaulne qui rappelle les conditions particulières de leur première représentation. C'est en effet la NBC qui commanda et créa les deux opéras, le premier à la radio (1939) et le second à la télévision (1951).
Injustement négligé par les compagnies professionnelles, The Old Maid and the Thief jouit néanmoins d'une grande popularité dans les universités et conservatoires américains, où de jeunes artistes peuvent mettre en valeur son humour absolument délicieux et la cocasserie irrésistible d'une intrigue qui montre comment une respectable dame patronnesse en manque d'homme en vient à recueillir chez elle un mystérieux et séduisant mendiant qui lui fait perdre la tête et pour lequel elle commet de nombreux larcins. Transportant l'action dans des studios de radio, Martine Beaulne nous éblouit par son inventivité : un annonceur devant son micro et faisant face au public surplombe la scène et fait office de narrateur qui assure la transition entre les différents tableaux dont l'enchaînement se fait en deux temps trois mouvements grâce au glissement des éléments du décor. Un bruiteur placé dans la fosse d'orchestre imite tous les sons de claquements de portes, froissements de feuilles de papier ou entrechoquements de vaisselle, exactement comme cela devait être réalisé lors de la création radiophonique. Dans les rôles de Miss Todd et de sa femme de chambre, Rachèle Tremblay et Florie Valiquette semblent s'amuser ferme, tandis que Cairan Ryan campe un jeune flemmard sympathique, dont la voix de baryton prend une ampleur insoupçonnée quand il simule l'ivresse de son personnage. Miss Pinkerton, la voisine qui colporte tous les derniers ragots, trouve en Karine Boucher une interprète dotée d'une superbe voix ronde et bien projetée.
Changement complet d'atmosphère avec Amahl and the Night Visitors, qui a sans doute moins bien vieilli et dont seule la présence d'une caméra dans les premières minutes de l'œuvre fait écho à la production télévisuelle de 1951. Plus convenue, la mise en scène rend bien le caractère naïf et assez mièvre de cette histoire d'enfant infirme qui sera guéri par la visite des trois rois mages guidés par l'étoile vers Bethléem. La production nous réserve tout de même quelques beaux moments, comme l'arrivée des rois puis celle des bergers, qui se déroulent au moyen d'ombres chinoises d'un effet très heureux. Frédérique Drolet est un Amahl touchant et au joli timbre de soprano, tandis qu'Emma Char traduit bien les tourments de la mère. Très bon trio des rois mages, composé de Jean-Michel Richer, Cairan Ryan et Jeremy Bowes.
Au piano, Jennifer Szeto effectue un travail remarquable d'intelligence musicale et de complicité avec les chanteurs. Pour ces derniers, le véritable test aura lieu l'an prochain, puisque la même équipe se retrouvera dans l'immense salle Wilfrid-Pelletier où elle devra se mesurer à l'orchestration quasi wagnérienne de Hänsel et Gretel.
L.B.
Frédérique Drolet (Amahl) et Emma Char (sa Mère). Photos Yves Renaud.