Josef Protschka (Elis), Gabriele Schnaut (Els), Harald Stamm (le Roi), Peter Haage (le Fou), Hans Helm (le Prévôt), Heinz Kruse (Albi). Chœur du Staatsoper de Hamburg, Philharmonisches Staatsorchester, dir. Gerd Albrecht (1989).
CD Capriccio C5175. Distr. Abeille Musique.

Après le large succès de son opéra Der ferne Klang en 1912, c'est avec l'aura d'un compositeur de renommée internationale que Franz Schreker abordait Die Gezeichneten (Les Stigmatisés) puis Der Schatzgräber (Le Chasseur de trésors). Rompu à l'exercice de l'écriture d'un livret, il donnait à celui de Der Schatzgräber l'allure d'un conte à l'arrière-plan symbolique. Bien que le Moyen Âge légendaire qui sert de cadre à ce récit donne lieu à quelques fanfares exotiques qui ne dépareraient pas dans un péplum, le compositeur développe un langage où l'influence de Strauss et de Mahler est patente, pondérée cependant par un style harmonique modérément chromatique. Schreker ménage tout au long des quatre actes et du long épilogue une dynamique dramaturgique efficace, qui ne connaît guère de véritable fléchissement avant le second duo de Els (la fille de l'aubergiste) et Elis (le ménestrel chasseur de trésor) à l'acte III (sc. 4). Cette scène amoureuse, scindée en deux par un copieux interlude orchestral, contient en germe la catastrophe mais marque aussi un premier climax (« Ah ! Nimm uns auf, Nacht ») ouvertement « orgiaque » de l'opéra.

Gabriele Schnaut, qui communique au personnage d'Els la vigueur de son aigu tranchant - frôlant parfois la dureté -, se distingue aussi dans un air beaucoup plus gracile et détendu, où elle développe une belle variété de teintes (III, 1), et devient franchement émouvante au dernier acte (IV, 3) alors que par sa faute, elle va perdre Elis. Ce dernier s'illustre, outre ses duos enflammés, dans un très joli air (III, 3) introduit par un quasi Adagietto pour cordes. Parmi les autres rôles, qui bénéficient tous de la même souplesse d'écriture des lignes vocales, on pourra apprécier, plus encore que le charismatique Roi de Harald Stamm, l'entrain communicatif du Fou, aussi précieux sur le plan dramaturgique que comme vecteur de détente musicale, avec une coloration de ténor qui en fait presque le double buffa d'Elis.

L'orchestre, chatoyant et finement maîtrisé, est mieux servi que les voix par un enregistrement trop hétérogène que le remastering, pourtant soigné, n'a pu que partiellement rééquilibrer. Ce bel opéra aurait en outre mérité, a minima, la disponibilité du livret au téléchargement.

P.R.