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Photo Bertrand Pichène.

 

Il ne faut pas grand-chose à Stephan Grögler pour mettre en espace cette Cambiale di matrimonio. Un praticable, trois boules de lumière, une table basse, deux fauteuils, et le tour est joué. Nous voilà dans un salon bourgeois moderne très design. La mise en scène, elle, tient dans une direction d’acteurs au cordeau qui croque les personnages dans un esprit proche du cinéma burlesque. Dès l’ouverture, le ton est donné, avec cette soubrette qui repasse en se trémoussant sur la musique de Rossini et aguiche un majordome affriolé et bien tenté de passer à l’attaque.

La jeune équipe sert à merveille cette conception basée sur un jeu très physique, sans jamais sacrifier la qualité du chant. Le ténor Rémy Matthieu mérite une mention particulière pour son timbre brillant et la qualité de son phrasé. On regrette que la partition ne nous permette pas de l’entendre au-delà de sa brève cavatine et de quelques ensembles. Elisandra Melian s’offre les seuls applaudissements de la soirée après son air de bravoure. La voix, fruitée et colorée, possède toute la virtuosité attendue avec une variété d’accents qui suspend l’auditeur à chaque note. Le baryton Eugene Chan est tout à fait épatant en Slook, avec une voix imposante et souple, rompue au chant syllabique, et une présence scénique qui crève l’écran, bien aidé dans son air d’entrée par son invraisemblable costume matelassé. Le reste de l’équipe n’est qu’un petit cran en dessous en termes d’affirmation vocale, mais chacun apporte à son personnage sa touche personnelle.

L’autre grand animateur de cette version est Leonardo Garcia Alarcon qui, à la tête de l’Académie baroque européenne d’Ambronay, propose une lecture très « néo-baroque » de la partition de Rossini : transparence des cordes, vivacité des tempi, bois et cuivres aux timbres colorés et vivants et, surtout, utilisation très originale du pianoforte qui s’immisce dans la trame du tissu orchestral et crée une intéressante continuité entre des récitatifs très enlevés et les numéros musicaux. De quoi nous rappeler que le compositeur lui-même fut le maestro al cembalo, à la création de cette farce en un acte en 1810. Le tout semble laisser de marbre un public d’invités (ce sont les joies du mécénat), peut-être impressionné par le lieu mais qui se rattrape tout de même et fait un beau succès mérité au salut final.

A.C.