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Natalie Dessay (Marie).

Cocorico !

Cela faisait longtemps qu’on n’était pas sorti à ce point heureux de l’Opéra Bastille. Car tous les ingrédients sont réunis pour faire de l’actuelle production de La Fille du régiment (créée à Londres puis Vienne, en 2007, et reprise à New York en 2008), un moment exceptionnel – et, de fait, un triomphe joyeux.

L’ouvrage de Donizetti est, en soi, un opéra-comique délicieux de verve mélodique et spirituelle, aux couleurs orchestrales et aux changements d’atmosphères aussi brillants que véloces : on passe en un clin d’œil du rire à la larme qui point pour plonger ensuite dans le feu d’un cantonnement d’opérette, sans un temps d’ennui ou de faiblesse. Si la taille de l’Opéra Bastille conduit parfois l’Orchestre de l’Opéra à couvrir les voix dans leur medium ou leur grave, elle trouve néanmoins en la personne de Marco Armiliato un chef capable de détailler avec nerf et finesse les coins et recoins d’une partition pêchue autant que mutine.

Pour servir sa pétulance, l’Opéra de Paris réunit une distribution de haut vol, à commencer par un couple de stars ayant déjà maintes fois illustré ensemble Marie et Tonio dans cette production : Natalie Dessay et Juan Diego Flórez. La première, idéale incarnation physique du garçon manqué, brindille au caractère bien trempé, apparaît ici en grande forme vocale, d’autant que la prolixité théâtrale de son personnage lui permet d’épancher sa nature scénique dans sa part légère et vivace. Lumière du timbre, palette de nuances, aigus électriques : oui, la voix de Dessay est taillée pour Marie comme un cristal, et cela ne se refuse pas. Face à elle, si le Tonio de Flórez est plus bonhomme dans son jeu, la silhouette élancée du Péruvien, l’aisance insolente de son chant que balance un je-ne-sais-quoi de charmeur dans le timbre – le charme d’une voix de ténor se mesurant aussi, en partie, à l’autosatisfaction qu’elle exprime… –, sa capacité à être à la fois le Tonio du livret et le héros de l’avant-scène… tout cela parvient à faire de la soirée un concentré de sensations lyriques épatantes. Le sergent Sulpice ? un Alessandro Corbelli à la faconde ronchonne – et au talent de pianiste joliment utilisé ! La Marquise de Berkenfield ? Une Doris Lamprecht déchaînée façon Boulevard de luxe. La Duchesse de Crakentorp ? la guest star incontournable, une Felicity Lott so British. Tous, homogènes et complices.

En transposant l’action à l’époque de la Première guerre mondiale, Laurent Pelly joue la carte d’un humour salvateur, sachant dédramatiser le pire grâce à la part cocardière que Donizetti lui-même avait su mettre en première ligne (de front !) pour mieux séduire le public parisien de 1840. On peut trouver l’actualisation des dialogues par Agathe Mélinand à la fois inutile et malencontreuse, moins drôle que finalement démodée (le « Je suis claquée ! » de la Marquise…) ; mais l’équipe se lance dans les scènes parlées avec une jolie présence, l’esprit malicieux du décor de Chantal Thomas (un sol tout de cartes militaires, faisant des personnages autant de soldats de plomb manipulés en tous sens) fait mouche, les trouvailles foisonnent – notamment autour de ces dessous militaires que Marie la vivandière repasse avec entrain. Et sans un faux pli.

C.C.

Lire aussi note édition de La Fille du régiment, ASO n° 179.


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Alessandro Corbelli (Sulpice), Juan Diego Flórez (Tonio) et Natalie Dessay (Marie). Photos Agathe Poupeney.