Falstaff

Tandis qu’à l’Opéra de Paris Nicolas Joel rend hommage à son mentor Jean-Pierre Ponnelle avec une Cenerentola à la distribution très homogène, Frédéric Chambert, actuel Directeur artistique du Théâtre du Capitole, honore Nicolas Joel qui en fut le Directeur pendant vingt ans, en reprenant son célèbre Falstaff de 1992 et, en avril prochain, sa Butterfly conçue idéalement pour la Halle aux Grains. Et avec une distribution d’une perfection dans la conception qui, on s’excuse de le dire, n’est pas aujourd’hui aussi optimale à Paris.

Du temps du directorat de Nicolas Joel, circulait entre chanteurs d’envergure internationale une boutade du genre : « Ne chantes-tu pas à l’Opéra national de Paris ? — Non, mais je chante à l’Opéra international de Toulouse ! » Pour la quatrième reprise de ce Falstaff, on semblait revenu à ces temps bénis où, sur la scène du Capitole, chaque distribution – autant pour les nouvelles productions que pour les reprises – était un petit miracle de recherche de l’excellence et d’homogénéité de plateau. Si l’on examine le programme de la Saison 2011/2012, troisième de Frédéric Chambert, on suppose que ce ne sera pas l’exception : Le Trouvère de février offre deux distributions aux quatuors vocaux enviables, la coproduction avec Aix de La Clémence de Titus en avril a une belle affiche, tout comme Les Indes Galantes en mai et le nouveau Tannhäuser en juin. à Paris, si l’on excepte la récente Cenerentola de Garnier, on se trouve difficilement dans cette situation.

Reprise par Stéphane Roche avec une fidélité exemplaire, la mise en scène de Nicolas Joel montre un Falstaff pris au pied de la lettre, avec une clarté de direction d’acteur qui en rend la compréhension évidente. Les décors simples et ingénieux et les costumes d’un goût italien exquis de Carlo Tommasi ont magnifiquement passé les vingt ans d’existence du spectacle et offrent à ce classique du théâtre lyrique un écrin idéal. Le bel arbre qui centre la scène du Parc de Windsor est-il une référence à celui du Tristan de Bayreuth de Ponnelle ? Il fonctionne à merveille pour donner son unité à cette scène finale burlesque.

Pour le chant, excellence et homogénéité donc. Alessandro Corbelli succède dans cette production à Alain Fondary, Jean-Philippe Lafont et Juan Pons, avec encore assez de puissance, de timbre et de verve pour faire de Sir John un personnage truculent et haut en couleurs. Ludovic Tézier est un excellent Ford et semblait moins emprunté qu’à l’habitude, donnant, en plus du relief vocal, un véritable poids physique à son personnage. Tous remarquables, les autres hommes de la distribution : Gregory Bonfatti, plus qu’une silhouette en Caïus ; impayables les Bardolphe et Pistolet joués avec beaucoup d’énergie par Emanuele Giannino et Diogenes Randes ; et exquis, le jeune premier Fenton chanté à la perfection par Joel Prieto. Mêmes compliments pour les dames, avec Soile Isokoski et Enkelejda Shkosa se complétant idéalement et rivalisant de charmes vocaux en Alice et Meg, Adriana Kucerova, Nanetta à fondre de simplicité et d’ingénuité ; et, mettant autant de malice que de splendeur vocale dans son personnage de Quickly, Janina Baechle – qui retrouve à Toulouse la scène de ses débuts français en Brangäne, qui précédaient le rôle-titre d’Akhmatova de Bruno Mantovani, à Paris, cette année. Daniele Callegari a mené rondement tout son monde et l’Orchestre du Capitole, parfois de façon un peu trop sonore mais avec le parfait esprit buffa, justifiant le projet « d’éclat de rire extraordinaire » posé par Nicolas Joel dans ses notes d’intention pour une mise en scène qui, on n’en doute pas, a encore de beaux jours devant elle.

O.B.

A lire : Falstaff,  L'Avant-Scène Opéra n° 87/88, avril 2001

Janina Baechle : Mrs Quickly - Enkelejda Shkosa : Mrs Meg Page - Soile Isokoski : Mrs Alice Ford - Adriana Kučerová : Nannetta.


Ludovic Tézier : Ford - Alessandro Corbelli : Sir John Falstaff. Crédit : Patrice Nin