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Michaela Schuster (Klytämnestra), Evelyn Herlitzius (Elektra).


Cette troisième reprise de la belle production de Willy Decker de 1996 a le mérite d’amener à l’Opéra Néerlandais une distribution presque entièrement nouvelle et remarquable, au moins par les débuts dans le rôle de Clytemnestre de Michaela Schuster.

Le décor de cette Elektra (Wolfgang Gussmann) est à la fois magnifique et ingénieux : le palier d’un escalier monumental d’un gris chaudement mordoré dans le palais de Mycènes. Seul inconvénient commun à ces grands dispositifs à ciel ouvert, ils favorisent l’envol des voix vers le haut au détriment de la projection. Mais les marches sont toujours un bon espace scénique – et quelle bonne proximité avec les spectateurs. Quelques excentricités dans les costumes : robe du soir hollywoodienne pour Clytemnestre, petite robe blanche de Marilyn pour Chrysothémis et trench-coat pour Elektra datent la production – qui pourrait, par sa bonne neutralité, faire un usage infini.

La mise en scène de Willy Decker prend tout à fait Hofmannsthal et Strauss au pied de la lettre, à ceci près qu’elle montre spectaculairement les meurtres de Clytemnestre et d’Egisthe ; sa direction d’acteurs est particulièrement soignée.

Malgré une disparité dans la fraîcheur des moyens vocaux, les trois femmes réussissent à donner un ensemble cohérent et équilibré. Linda Watson – qui a chanté, et sur cette scène même, de très nombreuses Brünnhilde et Isolde – n’a plus la possibilité de chanter autrement qu’en force mais avec une véritable endurance pendant les presque deux heures qu’elle passe sur scène. Elle réussit même à trouver dans le calme vocal relatif de la scène de reconnaissance d’Oreste une voix plus timbrée et des couleurs émouvantes. Ricarda Merbeth, elle aussi habituée aux rôles lourds wagnériens et straussiens, mène à bien sa Chrysothemis sans y être totalement émouvante – ni très crédible avec sa robe blanche et son sac à main ouvert. La sensation venait de Michaela Schuster. Ce mezzo-soprano allemand qui chante beaucoup dans son pays et à Barcelone possède les moyens vocaux idéaux et encore intacts pour chanter Clytemnestre, rôle souvent échu à des chanteuses usées. Théâtralement, sa performance est extraordinaire, jouant plus du délabrement mental que physique de la reine. Bel ensemble aussi chez les hommes avec l’Oreste très ardent de Gerd Grochowski et l’Egisthe au caractère vocal idéal d’Hubert Delamboye.

Pour les spectateurs néerlandais, l’événement de ces représentations était la prise de fonction du jeune chef allemand Marc Albrecht comme chef d’orchestre principal de l’Opéra Néerlandais et du Netherlands Philharmonic Orchestra. Il y dirigera plus tard dans la saison la création d’Orest de Manfred Trojahn et la nouvelle production de La Légende de Kitège de Rimski-Korsakov. Le Netherlands Philharmonic Orchestra est actuellement un orchestre de fosse de premier ordre. La direction claire, analytique sans être disséquante, très rapide et dramatique d’Albrecht, a donné à cette soirée le très haut niveau musical qui fait la réputation de l’Opéra Néerlandais, particulièrement dans le répertoire du vingtième siècle.

O.B.

A lire : Elektra, L'Avant-Scène Opéra n° 92, mis à jour 2009

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Evelyn Herlitzius (Elektra) et Michaela Schuster (Klytämnestra).


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Michaela Schuster (Klytämnestra), Evelyn Herlitzius (Elektra), Camilla Nylund (Chrysothemis), Gerd Grochowski (Orest), Hubert Delamboye (Aegisth). Photos © Hans van den Bogaard.