Stéphanie d'Oustrac (Sesto), Balint Szabo (Publio), Klaus Florian Vogt (Tito Vespasiano) et une figurante (Bérénice).
Deuxième œuvre de la rentrée à l’Opéra de Paris, La Clémence de Titus est, comme Salomé, reprise de l’ère Gall, avec la production de Willy Decker (1997) préférée à celle de Karl-Ernst et Ursel Herrmann (2005). Pas de regret cette fois : il est agréable de retrouver la scénographie élégante et sobre de John MacFarlane, usant de repères antiques (architecture et statuaire) en les stylisant dans le classicisme vipérin des cours royales du XVIIIe (costumes rigides, perruques menaçantes et teints blafards). Une belle idée en fil rouge : un bloc de marbre deviendra peu à peu le buste de Titus, suivant les étapes mêmes de l’accession de l’empereur à la Clémence. Les rapports entre personnages y sont joliment dessinés, évoluent de façon subtile ; quelques tics répétés en amoindrissent toutefois la portée : trop de rideaux pour des changements de décors somme toute peu spectaculaires, trop de fausses sorties redondantes avec un livret qui met au premier plan l’indécision de chacun, en un effet qui vire involontairement au comique.
La reprise aurait mérité une direction d’acteurs plus adaptée à sa nouvelle distribution : la Vitellia de Hibla Gerzmava, aux appas felliniens, s’agite (et les agite…) beaucoup. Mais on retient son timbre opulent et modulé qui rend son emprise sur Sesto compréhensible, et même ses aigus, un rien stridents, servent un caractère bien dessiné et chanté avec soin, grâce à une ample tessiture et une belle conduite du souffle. Stéphanie d’Oustrac compose un Sesto superbe : à une voix voluptueuse au beau medium plein et velouté – plus que les graves –, l’interprète joint un corps d’actrice, un instinct scénique impeccable et frémissant. Le second couple est plus inégal : Servilia exquise d’Amel Brahim-Djelloul, mozartienne vive et fine ; Annio moins exact d’Allyson McHardy, diction plus confuse et justesse parfois en défaut. Avec le Publio noir et noble de Balint Szabo, tous composent néanmoins un plateau homogène en style et en esprit… d’où se détache hélas le Titus exotique de Klaus Florian Vogt. On reste perplexe devant ce timbre si nasal, ces airs bien assumés mais scolaires, cette vocalisation sur des œufs. Et, plus que problématiques, on trouve rédhibitoires ces récitatifs récités, sans une once d’italianité dans la prosodie, le galbe ou le débit, ainsi privés de tout sens et de tout théâtre. Paradoxalement, le beau ténor affiche une aisance sans souci… mais nous met mal à l’aise – là où d’autres voix, bien plus efforcées (Gregory Kunde à Aix cet été par exemple), nous comblent en entrant vraiment dans le vif du sujet et du style. Ayons la clémence de Titus pour un musicien attentionné sinon adéquat et une soirée agréable sinon parfaite – grâce aussi à la baguette souple et exacte d'Adam Fischer qui, chantant de bout en bout son Mozart, en sert l'humanité.
C.C.
La Clémence de Titus, L'ASO n° 226
AllysonMcHardy (Annio), Stéphanie d'Oustrac (Sesto), Hibla Gerzmava (Vitellia), Amel Brahim-Djelloul (Servilia), Klaus Florian Vogt (Tito Vespasiano) et Balint Szabo (Publio).
Amel Brahim-Djelloul (Servilia) et Hibla Gerzmava (Vitellia). Photos : Opéra national de Paris / Mirco Magliocca.