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Stig Andersen en manteau rouge (Herodes), Angela Denoke (Salomé), Doris Soffel en robe bleue (Herodias), Gregory Reinhart (Erster Soldat) et Ugo Rabec (Zweiter Soldat).© Opéra national de Paris/ Elisa Haberer

 

 8 septembre 2011 : l’Opéra de Paris fait sa rentrée… avec un vieux cartable. Comme pour le Così de Toffolutti (1996) préféré en juin dernier à la plus récente réalisation de Patrice Chéreau, Nicolas Joel choisit de présenter la Salomé d’André Engel (1994) plutôt que celle de Lev Dodin… ayant le défaut majeur de dater elle aussi de l’ère Mortier.

On retrouve certes avec plaisir les superbes décors de Nicky Rieti, élégant palais moyen-oriental aux lumières tamisées, tout d’ocres et de bruns, que l’on imagine sentant le cèdre et l’encens. Les costumes d’Elizabeth Neumüller, entre Rois Maudits et cosaques des steppes, ajoutent à l’imagerie romanesque. On plongerait volontiers dans cet univers mordoré s’il était assumé jusqu’au bout. Mais quelques détails égarés veulent le « décaler » sans pour autant donner de sens à la démarche : un journal ici, une cigarette là, trois bouteilles de Butagaz dans un coin (?!)… ne font ni le gag, ni la relecture, ni même la provoc, laissés à eux-mêmes au milieu des tapis, moucharabieh et autres plateaux de thé à la menthe. André Engels dirige un Jokanaan testostéroné, vindicatif plus que prophétique, musculueux plus qu’imposant : et Juha Uusitalo, s’il est maître de la tessiture, peine à lui donner sa profondeur spirituelle. Il faut dire que sa geôle où il fait « si noir » est éclairée pleins feux, qu’il entre en scène précédé d’une tempête (de neige ? de sable ? de foin ?!) techniquement poussive, obligé ensuite à une gestuelle ridicule (s’enlever le sable des chaussures, masser ses pieds…). La Danse des sept voiles organise un teasing trop sage : Salomé ne danse pas, ou peu, et certainement pas de façon érotique. Bref : le beau décor reste décor, sans jamais devenir le lieu vénéneux où Eros et Thanatos devraient s’épouser dans l’horreur hypnotique.

Si l’on peut déplorer ce choix de production sans saveur, on a souvent dit que le talent de Nicolas Joel était dans son flair pour les distributions vocales. Las, ce n’est pas le cas cette fois-ci – à l’exception de l’Herodias véhémente de Doris Soffel, et de l’excellent Narraboth de Stanislas de Barbeyrac, remarquable de timbre et de style. Angela Denoke met du temps à entrer dans la peau du personnage, trop « petite fille qui joue à la dame » au début, gênée par sa perruque longue et surtout – surtout ! – dépassée par les exigences vocales du rôle. Si ses aigus leggiero sont joliment flottés et pleins de charme, dès qu’ils doivent s’animer ou se darder, ils deviennent tendus, émis d’un corps que la technique raidit, et souvent terriblement bas : une épreuve pour l’interprète et pour l’oreille. La direction de Pinchas Steinberg, souple et vive mais manquant de nuances et de surprises, écrase aussi sa projection. Mais le public ne semble pas leur en tenir rigueur et réserve un accueil très chaleureux à cette Salomé – qui a pourtant ennuyé, et n’a pas séduit : double frustration.

C.C.