Hans Günter Nöcker (le Directeur Hummel), David Knutson (Arkenholtz), Horst Hiestermann (le Colonel), Martha Mödl (la Momie), Gudrun Sieber (la Demoiselle). Junge Deutsche Philharmonie, Ensemble Modern, surnuméraires du Deutsche Oper de Berlin, dir. Friedemann Layer, mise en scène : Heinz Lukas-Kindermann (Berlin, Hebbel-Theater, 1984).
DVD Arthaus Musik 101 657. Format 4:3. Distr. Harmonia Mundi.
Aribert Reimann, pour être quasiment ignoré dans l'Hexagone, n'en est pas moins un compositeur important. Très tôt plongé dans le monde de l'opéra - celui du Deutsche Oper de Berlin, où il fut employé comme répétiteur dès la fin de ses études et dont émane la présente production, filmée lors de sa première en 1984 -, il a à ce jour consacré la partie la plus significative de son œuvre à la scène. Sans atteindre la puissance de l'imposant Lear de 1978, qui demeure probablement son ouvrage le plus ambitieux, l'opéra de chambre Die Gespentersonate (« La sonate des spectres ») se place néanmoins sur un terrain dramaturgique original. Cédant de nouveau, près de vingt ans après Ein Traumspiel, à sa passion pour le théâtre de Strindberg, le compositeur aborde ici pour ainsi dire l'opéra « fantastique », avec force fantômes, momie, et même un étudiant extra-lucide capable de communiquer avec ces personnages de l'au-delà. Autant le parcours assez sinueux de l'intrigue donne du rebond à la pièce, autant il agit, par diffraction de la force dramaturgique, contre la clarté de l'opéra. De même, gravitent autour des deux rôles principaux sept rôles secondaires qui, bien que nécessaires à la consistance du banquet des spectres, n'ont guère le temps de s'épanouir musicalement.
L'un des piliers de l'édifice est la partie conçue sur mesure pour David Knutson, dont Reimann avait déjà tiré partie de la polyvalence de ténor/contre-ténor. Une telle ambiguïté vocale produit un effet certain, tôt relayé cependant par le malaise qu'engendrent les nombreux passages en falsetto qu'il est difficile de ne pas percevoir comme une décoloration de la matière, venant troubler jusqu'à la très belle scène finale. Le baryton Hans Günter Nöcker apporte quant à lui une assise fort appréciable, qui donne par ricochet un impact maximal à la métamorphose psychologique de son personnage alors que celui-ci, percé à jour par la Momie, perd subitement son assurance altière. La voix lumineuse de Gudrun Sieber fait du long solo de la Demoiselle, soutenu par des cordes très joliment désincarnées, le moment le plus prenant de l'opéra. Barbara Scherler fait quant à elle regretter que sa « Dame noire » ne sorte que si brièvement du mutisme que lui impose son rôle. La Momie de Martha Mödl gagne en revanche très peu à quitter le mode du mélodrame sur lequel elle s'exprime principalement.
P.R.